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Fakear à Musilac : « Faut-il continuer à accueillir autant de gens en festival ? »

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Sombre Clair

C’est au cours d’une série de plusieurs dates que nous rencontrons Fakear, artiste de musiques électroniques passionné et passionnant. Son nouvel album Talisman sous le bras, il nous raconte sa relation à la nature, au vivant, et sa manière d’en parler au cours de lives et de DJ sets captivants. 

Comment tu te sens, à quelques minutes de jouer pour la première fois au festival Musilac ?

Je suis très content d’être ici, c’est un festival que je n’ai encore jamais fait. J’adore le coin et le site. Musilac est la première date d’une série de trois dates d’affilée, avec Décibulles et Terres du Son. Il y a un truc de ouf de mise en forme, de prise d’élan. C’est vraiment génial. Je suis un peu en mode Super Saiyan (rires), je me concentre, je focus à fond.

C’est un rythme intense ! On s’imagine souvent les concerts, mais pas forcément tout ce qu’il y a autour. 

Il faut prendre conscience que c’est physique, rester assez sain et en forme. Quand tu arrives dans la trentaine, ça se prépare. À vingt ans, tu en as un peu rien à foutre, tu peux un peu dépasser les limites et ton corps se remet le lendemain. Là, c’est plus le cas. Maintenant, je prépare un peu plus le truc, je sais que ça va le faire.

Il y a quelques jours, tu a sorti une nouvelle chanson, Healing, qui me fait penser un peu à ce que pourrait proposer Bonobo. Quel est un peu le projet de ce morceau très dansant, très rythmé, avec une voix déconstruite telle un instrument ?

Ce morceau fait partie de la continuité de l’album Talisman. J’ai sorti cet album dans une époque où les choses reprenaient progressivement après le Covid. J’ai composé cet album tout seul, il est assez intimiste. Quand les concerts ont repris, j’ai recommencé à faire des DJ sets en clubs. Je jouais très tard des trucs très dansants qui ne sont pas forcément mes titres. Tout ce qui va arriver maintenant sont des morceaux créés pendant cette phase là. Healing en fait partie. Il y avait une volonté de continuer à faire voyager, à amener quelque chose de joyeux, enfantin et dansant.

Dans tes titres, tu vois la voix comme un réel instrument, dans Healing mais aussi dans bon nombre de tes titres.

Mon rapport avec la voix est ambivalent, je la considère un peu comme un instrument. Inconsciemment, quand il y a une voix dans un morceau, elle devient la plupart du temps le lead. Dans mes morceaux, il y a souvent de la voix car je viens d’un milieu très pop rock, très chanson. Naturellement, j’en suis venu à intégrer des voix. En même temps, je ne sais pas écrire de textes, et dans tous les cas, j’aurais du mal à communiquer toutes les émotions que je voudrais en ajoutant des paroles. Le fait que ce soit juste de la musique vocale me laisse le choix de peindre un tableau beaucoup plus riche.

Sur Talisman, la plupart des titres n’ont qu’un seul mot, et ont souvent un rapport avec la nature. Comment on arrive à créer un album qui soit cohérent, dans la suite des titres, pour représenter une idée générale, surtout dans la musique électronique ?

Les titres viennent chacun par eux-mêmes. Des fois, ça me vient un peu au milieu ou à la fin du processus de création. Parfois, j’ai le titre en tête quand je commence à composer. Ce n’est jamais vraiment de ma volonté, ça me dépasse un peu, le morceau se nomme lui même tout seul. Si je mets de la volonté là dedans, ce serait de peut-être contrebalancer ce que le morceau veut exprimer par quelque chose d’un peu plus flou. Si le morceau est très explicite, je vais le nommer avec quelque chose de plus large. Je n’ai pas envie de donner même direction que ce que je dis dans le morceau.

Fakear à Musilac – ©️ FPessin
L’artwork de Talisman qui représente une sorte de cristal. Une manière de continuer avec l’imaginaire du naturel ?

Il y a évidemment un lien. Déjà il y a une espèce de suite logique, commencée avec les albums Animal et Végétal. Je voulais obtenir quelque chose de très minéral depuis assez longtemps. Les inspirations et le processus de création sont assez similaires sur les trois albums, même si sur Talisman, j’ai essayé d’aller plus loin. Après avoir beaucoup parlé avec les graphistes, ils sont arrivés avec une idée presque de blocs de roches avec dedans le cristal qui se dégage. Finalement, ma seule contribution à la pochette a été de la recadrer. J’avais besoin de cet élément un peu central qu’est le cristal. Le message était que notre talisman à tous est la terre, d’où la volonté d’avoir quelque chose de rond et un peu profond, presque de la matière vivante.

Tu as différents projets, tu n’es pas toujours seul sur scène. Comment créer une cohérence lors d’un live, lorsque l’on a une discographie de presque dix ans, surtout en festival ?

Il y a un gros boulot de réflexion, à se demander comment enrichir le show, comment raconter ce que je veux tout en proposant quelque chose de nouveau, de différent, rester cohérent tout en faisant évoluer le show. J’ai un format avec deux musiciennes à la harpe et au violon, nous avons un écran géant en fond de scène, chose que je n’avais jamais eue auparavant. Avant, je tournais avec carrément un groupe. Ce soir à Musilac, je fais un DJ set, et c’est réellement un autre boulot, comme une deuxième carrière en parallèle. Tu citais Bonobo, je trouve que c’est le bon exemple : il a sa formule live de jazz et c’est les morceaux de Bonobo. Et après il a son DJ set où il joue deux morceaux à lui et 95 % de trucs qu’il kiffe. C’est toujours l’univers de l’artiste, c’est cohérent avec son histoire et ce qu’il présente, mais c’est un autre voile de sa carrière. C’est ce que je vais présenter ce soir et pour moi, il ne s’agit pas que de passer des sons : la réflexion va toujours dans ce sens du retour à l’instinct, à la nature, à soi même. 

Tu t’engages pour un secteur musical plus durable et tu travailles avec Music Declares Emergency. Y a t-il un message que tu aimerais passer aux festivals ? De quelle manière peuvent-ils et devraient-ils agir pour un secteur plus engagé ?

La question est plutôt de se demander comment continuer : faut-il continuer à accueillir autant de gens ? En fait, la réponse ultime à toutes ces questions, c’est de réduire, décroître. C’est un modèle qui est vraiment contre l’industrie de la musique et contre l’industrie en général. Les festivals sont vraiment les fers de lance de ce truc là. D’une certaine manière, ce sont eux qui polluent le plus, mais ce sont aussi ceux qui sont le plus en avance sur cette question. J’en parlais avec la responsable du développement durable de We Love Green qui disait que le festival allait commencer à décroître, justement, à inviter des artistes plus locaux. Moins de gens vont se déplacer pour aller voir une tête d’affiche internationale, mais tu ne peux pas te dire que tu vas réduire ton impact écologique en continuant de faire grossir un événement, tu pollueras forcément de plus en plus. Si on veut continuer de croître, il faudrait également que les artistes réduisent leurs cachets, que tout le monde aille dans le sens de la réduction. La décroissance est un mot qui fâche, mais je pense qu’à terme, c’est la solution vers laquelle il faudra aller.

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