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Cédric Cheminaud, directeur adjoint du Cabaret Vert, présente les coulisses de l’événement.

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Sombre Clair

Le Cabaret Vert, festival emblématique du territoire français, combine depuis 2005 musique, arts et engagement écologique. Avec de gros changements mis en place en 2024, l’événement se distingue et se transforme. Juste avant l’ouverture des portes, nous avons rencontré Cédric Cheminaud, directeur adjoint de l’un des plus grands festivals de France.

Peux-tu nous présenter ton rôle au sein du festival ?

Je m’appelle Cédric Cheminaud, et je suis le directeur général adjoint du Cabaret Vert. Cela fait deux ans maintenant que je dirige ce festival, depuis 2022. Mon rôle consiste principalement à coordonner et superviser l’ensemble du projet du festival. En réalité, nous sommes en codirection avec Julien Sauvage, le fondateur du festival. Julien s’occupe de tout ce qui touche aux aspects financiers, politiques et partenariats, car le Cabaret Vert suit un modèle assez particulier. De mon côté, je me concentre sur le contenu artistique, la scénographie, la communication et le développement durable, qui est un axe fort du festival.

Quelle est la différence entre un directeur et un directeur adjoint dans ce contexte ?

Finalement, ça dépend des directives en place et de la manière dont on souhaite les améliorer ou les adapter. Quand j’ai rejoint l’équipe, on a opté pour les titres de directeur et directeur adjoint. Mais dans la pratique, c’est vraiment une codirection. Julien ne prend jamais de décision sans me consulter, et inversement. L’idée est de combiner nos compétences respectives et de les incarner à travers deux personnes tout en restant unies. Cela nous permet aussi de multiplier les effets de nos actions. Avec la croissance du festival et les projets de l’association Flap, qui porte le festival, nous ne sommes pas de trop à deux pour nous répartir les tâches.

Le mois d’août est une période chargée pour les festivals, avec des mastodontes comme Rock en Seine et le Cabaret Vert. Il devient de plus en plus difficile d’obtenir des exclusivités, pourtant vous avez réussi à avoir Korn et 21 Savage cette année. Comment est-ce possible ?

C’est avant tout grâce au travail acharné de l’équipe artistique, menée depuis 2010 par Christian Allex et son associé Vivien, tous deux en freelance. Depuis mon arrivée, nous travaillons ensemble à trois sur la partie artistique. Il s’agit d’un travail de fond pour positionner le festival comme un passage incontournable pour les artistes, y compris les plus grands. Cela implique aussi de démontrer le professionnalisme de toute l’organisation : accueil technique, loges, production, etc. Malgré tous ces efforts, cela reste complexe. C’est pourquoi nous avons choisi de décaler nos dates autour du 15 août, pour éviter une confrontation directe avec Rock en Seine. À présent, notre concurrence se situe surtout au niveau européen, avec des festivals comme Reading et Leeds qui ont lieu le même week-end, même si nous n’avons pas les mêmes moyens. Le Cabaret Vert est un festival associatif et indépendant ; nous ne recevons aucun financement de grands groupes, et seulement 4 % de notre budget provient de fonds publics. Nous devons donc nous débrouiller pour lever des fonds en plus des revenus de la billetterie, des bars et de la restauration. Bien que cela soit compliqué, nous avons de nombreux atouts, et notre démarche de redéploiement nous ouvre de nouvelles perspectives et montre que nous sommes un peu différents, ce qui constitue également un avantage.

Korn @ Cabaret Vert 2024 © F.MAYOLET
Comment le festival parvient-il à concilier une programmation de têtes d’affiche attirantes et ses valeurs de développement durable, notamment en matière de décarbonation ?

Nous avons présenté notre bilan carbone de 2022 en 2023, ce qui a servi de point de référence, surtout après une édition de cinq jours. Ce bilan, salué par les experts, a montré que, malgré l’agrandissement du festival, nos bonnes pratiques initiées depuis sa création en 2005, comme le tri des déchets, les circuits courts, une alimentation locale, ou encore l’utilisation de toilettes sèches, portent leurs fruits. Nous restons donc un festival relativement sobre en carbone. Néanmoins, le bilan a souligné que les déplacements du public restent un poste majeur d’émissions. En étant un festival en milieu semi-rural, peu desservi par les transports en commun et les moyens de transport doux, nous avons décidé d’innover. Cette année, nous avons développé différentes lignes de mobilité douce, avec des navettes de nuit pour la ville, l’agglomération, et les principaux points du département. Nous avons même mis en place des navettes de bus depuis des grandes villes comme Lille, Paris, Metz, Nancy, et Bruxelles. Ces efforts ont été possibles grâce au soutien des collectivités locales, comme la région, la ville, et l’agglomération. Plutôt que de demander au public de faire des efforts seuls, nous croyons en l’accompagnement. Le festival peut ainsi expérimenter de nouvelles solutions et, grâce à son attractivité, développer d’autres façons de faire pour l’avenir.

En ce qui concerne l’énergie, c’est aussi un point important de notre plan de décarbonation. Nous allons présenter lors du festival notre plan pour 2025-2030, avec pour objectif un festival totalement alimenté en énergie verte d’ici là. Nous explorons également la possibilité de créer une boucle d’autoconsommation pour générer notre propre énergie, non seulement pour nos besoins mais aussi pour en redistribuer une partie aux entreprises locales le reste de l’année. C’est un projet ambitieux et innovant, qui n’existe pas encore ailleurs à notre connaissance.

En quoi le Cabaret peut-il servir d’exemple pour d’autres événements ?

L’idée n’est pas forcément de se présenter comme le modèle à suivre, mais plutôt d’inspirer. Nous voulons montrer qu’à l’échelle d’un festival comme le Cabaret Vert, malgré les contraintes que nous subissons tous, il est possible de trouver des solutions en réfléchissant, en travaillant et en saisissant les opportunités. L’un des grands atouts du Cabaret Vert est son ancrage territorial fort, qui nous permet de bénéficier du soutien d’une large communauté, qu’il s’agisse de l’industrie, de l’économie, ou des pouvoirs publics. Nous exploitons cet avantage pour démontrer ce que l’on peut accomplir.

Quelle est votre activité le reste de l’année ? Le Cabaret Vert a-t-il d’autres projets en dehors du festival ?

Depuis 2021, une année sans festival à cause du COVID, l’association a lancé un nouveau projet nommé Face B, s’appuyant sur une friche industrielle où se trouvent nos bureaux. Beaucoup d’espaces restent disponibles, et nous avons vu qu’il était possible de les réhabiliter. D’ici 2028, nous prévoyons de transformer cette friche avec des projets incluant une école de musique, une salle de concert, un espace hôtelier, des bars et des restaurants, tout en restant fidèle à l’ADN du Cabaret Vert avec un ancrage territorial et des valeurs axées sur la transition écologique. La première étape de ce projet débutera à la rentrée 2024 avec l’inauguration d’ateliers bois partagés. Les Ardennes étant une région forestière, cela fait sens. Ces ateliers seront ouverts aux professionnels du secteur et au grand public, pour encourager le DIY et la réutilisation des matériaux. Nous avons choisi le concept d’ateliers partagés pour maximiser l’utilisation de ces espaces tout au long de l’année.

Vous avez apporté des changements importants cette année, notamment au niveau des emplacements des scènes. Pouvez-vous nous en parler ?

Cette réflexion a vraiment commencé en 2022. Avec un afflux de près de 25 000 personnes par jour, nous n’étions pas satisfaits de l’emplacement de la grande scène, car les flux de circulation n’étaient pas fluides, ce qui impactait l’expérience du public. Grâce à la ville et à l’agglomération, et dans le cadre des travaux de dépollution sur l’usine située sur le site du festival, une grande plaine a été dégagée, rendant possible le déplacement de la grande scène. Cette opportunité nous a permis de repenser complètement le festival pour le rendre encore plus vert et accessible. En 2022, nous avions déjà commencé à aménager les abords de la Meuse, en créant un petit pont vers une scène électro-rap, le Green Floor. Voyant le succès de cette initiative, nous avons élargi le pont l’année suivante pour accueillir encore plus de monde. Notre objectif est de rendre accessibles et visibles les espaces les plus beaux et représentatifs de notre territoire, en mettant en avant la nature des Ardennes, qui est au cœur de notre identité.

Cabaret Vert 2024 – ©️ Lila Azeu
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