Qui dit Rock en Seine dit fin de saison des festivals, mouvementée cette année par une météo parfois chaotique. Ce fut le cas au Cabaret Vert, à Musilac, ou encore aux Ardentes. Rock en Seine, mis à part quelques heures le samedi, a échappé à la malchance. Plus encore, même, le festival cumule les bons points : programmation éclectique, public venu en nombre et soleil au rendez-vous. Retour sur cette nouvelle édition de cinq jours.
La légende Lana del Rey
Tous ceux qui ont entendu parler de Rock en Seine savent que depuis plusieurs années, la tendance est à la création d’un jour spécial pour un artiste en concret. Rage Against the Machine devaient être les premiers à avoir cet honneur. Le COVID est passé par là, puis, après une nouvelle tentative en 2022, le groupe a carrément annulé sa tournée. En 2023, Billie Eilish comblait une foule compacte et offrait un show légendaire, entre feux d’artifice et titres chantés à pleins poumons.
2024. Après une bonne demie heure de retard, Lana del Rey arrive sur scène. Elle est habituée à ce scénario : à Glastonbury en 2023, son retard lui a valu l’arrêt de son show en plein Video Games, couvre-feu oblige. Qu’importe, les publics ont crié a cappella avec la diva américaine. À Rock en Seine, pas de coupure son, mais bien des applaudissements tout du long. Avec une entrée sur Body Electric aux alentours de 22h15, le public dans l’attente parfois depuis la veille au matin hurle chacun des mots de l’artiste. Pendant plus d’une heure et demie de show, Lana del Rey fait le spectacle et là, rien à voir avec le live de 2016 sur le même festival. Avec une impressionnante scénographie qui ravissait Pomme quelques heures auparavant sur la même scène, l’artiste s’accapare du moindre centimètre de la scène pour chanter avec émotion ses titres. Le playback sauve la mise par moments, bien que quelques faux pas se fassent ressentir. Tour à tour sur une balançoire à fleurs, puis au sommet d’un balcon de pierre en fond de scène, Lana offre une ambiance presque intimiste malgré les quelques trente-cinq milles personnes présentes.
Chaque album est une histoire en lui-même et la setlist propose un savant mélange de la discographie de l’Américaine. On retiendra l’émotion d’un Born To Die qui prend au corps, d’un Norman Fuckin Rockwell plus touchant que jamais ou d’un Young and Beautiful qui clôture le show à presque minuit.
Quatre jours de folie
La lourde programmation du 22 au 25 août place une nouvelle fois Rock en Seine parmi les plus grands événements européens. En même temps que Reading & Leeds en Angleterre, le festival continue de proposer des exclusivités françaises, à l’instar de Fred Again.. qui réunit un immense public venu en masse notamment d’Angleterre. Preuve une nouvelle fois que les festivals français restent plus accessibles que certains rendez-vous anglais.
Måneskin a également attiré les foules le jeudi. Le groupe italien aux multiples tournées internationales pose ses valises sur le Domaine de Saint Cloud pour une dernière date avant un long repos bien mérité. Une occasion de faire la fête avec le groupe qui passe autant de temps dans le public, que le public ne le passe sur scène. Une vraie leçon de rock dans une journée propice au genre, qui commençait par un magnifique show de The Last Dinner Party, lesquelles reprennent d’ailleurs Call Me de Blondie. Plus tard, Gossip enflammait la scène de la Cascade aussi bien qu’elle l’a fait à Musilac ou à La Nuit de l’Erdre, tandis que Kasabian ouvrait son show avec Club Foot. Ils sont d’ailleurs nombreux à commencer leurs shows avec des tubes, comme Jungle et Busy Earnin le vendredi soir.
Concernant le vendredi soir d’ailleurs, nous retiendrons un magnifique show de Soulwax à la scénographie impressionnante. Trois batteries, rien que ça, accompagnent les artistes aux instruments électroniques. En parallèle de Fred Again.., Charlotte Adigery & Bolis Pupul enflamment la scène du Bosquet. Un show un peu trop délaissé par les fans du DJ anglais, alors que le duo belge offre une performance remarquable.
Samedi, The Offspring et Inhaler montrent que leurs générations respectives n’ont rien perdu de leur puissance. Massive Attack surprend en invitant Young Fathers sur scène lors d’un show très engagé comme à leur habitude. De leur côté, The Kills offrent une prestation scénique un peu décevante, sûrement dû à une heure de passage un peu trop tôt.
Un dimanche de haut niveau et une flamme paralympique
Malgré une fréquentation en baisse le dimanche, l’ambiance est là pour les milliers de spectateurs encore présents pour une cinquième journée. Les cernes aux yeux et la fatigue dans les jambes, ils dansent tôt pour applaudir Glass Beams ou l’inclassable Róisín Murphy, laquelle change de tenue littéralement sur chaque titre. Sur la même scène juste avant elle, un public nombreux s’amasse pour découvrir en live l’expérience Zaho de Sagazan, reine des charts français depuis presque un an. Avec un début rythmé par des balades sauce Symphonie des Éclairs, le tiers final est un réel moment de danse et d’oubli de soi-même dans la musique. La scène Cascade rappelle Zaho de Sagazan à son succès : c’est la Main Stage qu’il aurait fallu pour l’artiste de Saint-Nazaire. Peut-être qu’inverser Glass Beams et Zaho de Sagazan aurait été plus logique.
PJ Harvey, sur la Grande Scène, propose un spectacle similaire à sa date au Cabaret Vert : simple, sans trop d’échange avec le public. Les fans de sa musique trouveront cette heure envoûtante, les autres resteront sur leur faim, déçus du manque de contact avec l’artiste. Plus difficile quelques minutes plus tard de choisir entre la puissance de Yves Tumor et les légendaires Pixies qui remplacent The Smile au pied levé.
Grand moment à 21h30 qui casse les codes que nous pourrions attendre d’un festival. La Grande Scène de Rock en Seine a été choisie comme lieu de relais de la flamme paralympique ! La DJ Barbara Butch et la réalisatrice Marjane Satrapi montent sur scène pour transmettre la flamme au Para judoka Hélios Latchoumanaya. Un grand moment d’émotion avant de s’oublier une dernière fois dans la musique avec un spectacle de LCD Soundsystem, bien trop rares en France. Pendant plus d’une heure quinze, le groupe new-yorkais emporte les milliers de festivaliers restants. Un moment de communion musicale pour refermer cette vingt-et-unième édition de Rock en Seine. Une chose est sûre, le festival est définitivement implanté parmi les plus grands rendez-vous européens en matière de festivals.