Après une date marquante à Solidays, Calling Marian s’apprête à braver la pluie s’abattant sur Aix-les-Bains et sur le festival Musilac. Ce 11 juillet, elle est extrêmement heureuse de voir les festivaliers présents malgré la tempête. Sous un rayon de soleil, nous avons pu échanger concernant le premier album de l’artiste, mais aussi de ses combats et de ses valeurs.
Comment tu te sens quelques heures avant de monter sur scène à Musilac ?
C’est vraiment cool. C’est un des plus gros festivals de l’été, donc c’est toujours assez stressant. Je crois qu’il y a une jauge de 10 000 personnes sur ma scène, c’est énorme. Donc voilà, toujours le petit stress, le petit trac classique sur les grosses scènes. Mais je suis super contente de pouvoir montrer ma musique un peu indé, un peu niche sur une grosse scène à un public très important. J’espère que ça va leur plaire et que ça va être cool.
Deux semaines auparavant, tu jouais à Solidays sur la scène Domino. Quel est ton ressenti concernant cette date et les valeurs de cet événement ?
Solidays, c’était une expérience vraiment trop incroyable, une expérience de fou. Il y a vraiment une énorme machine derrière. C’est dans un hippodrome, tu as des millions de gens qui bossent sur ce festival. Je trouve que c’est un festival incroyable et je suis trop contente d’avoir pu programmer là bas. C’était vraiment une immense fierté et en plus c’est des valeurs qui sont en accord avec mes opinions et mes combats. Et puis le concert s’est très bien passé. J’ai présenté une nouvelle scéno pour la première fois là bas, un nouveau show lumière. C’était chouette.
Tu as créé ton propre label, quelle est l’histoire de ce projet ?
Cette création de label à la base, elle était vraiment plutôt fonctionnelle que politique ou artistique. J’avais sorti un premier EP label et après j’avais envie de changer d’horizon. Donc j’avais envoyé mon deuxième EP à plein de boites et on m’a jamais dit oui, on m’a jamais, on a jamais accepté de sortir mon EP. Donc je me suis dit « nique », je vais créer ma structure et je vais sortir mes sons chez moi comme j’en ai envie avec ma DA. En fait, c’est un système qui me convient tout à fait. Donc c’est vrai que avant tout ce label, il sert plutôt produire mes propres sons. Mais à une époque j’avais un collectif, on avait sorti une compil dessus. Je sors aussi des remixes de mes titres, je remixe d’autres artistes. C’est une plateforme qui tourne beaucoup autour de mon projet. Mais je ne dis pas que dans le futur, possiblement, il n’y aura pas d’autres artistes qui pourraient sortir leurs trucs dessus. C’est juste que pour l’instant, je me concentre déjà sur mon projet, ce qui est déjà beaucoup de boulot parce que je fais pas mal de trucs toute seule. Après, les valeurs de ce label, c’est les miennes, c’est des valeurs d’inclusivité, de musique qualitative.
Tu as sorti quatre EP en quatre ans, de 2017 à 2020. Comment t’as réussi en même temps à tourner ton projet, à préparer de nouveaux sons ?
C’est très classique, quatre morceaux en un an, c’est pas non plus démesuré comme rythme, ça reste très correct. Moi je suis très impressionnée par les artistes qui sortent des EP tous les six mois plus un album. Moi j’ai sorti un album en 2023, mais il a mis vachement de temps à sortir. En effet, à cause de la crise du COVID, mais aussi parce que j’ai mis énormément de temps à rassembler tout ce que je voulais autour de ce projet là. C’était plus de musique, mais aussi beaucoup plus de mobilisation de moyens, donc ça a pris plus de temps. Après, c’est vrai que j’aime bien le côté simple et efficace que représente la sortie d’un EP. Ça va plus vite, c’est pratique, ça se prête bien aux musiques électroniques et globalement, à la manière dont les gens consomment la musique. Ils vont beaucoup moins aller écouter des albums entiers, il faut vraiment être une méga star pour en faire un album qui fonctionne très bien je pense en 2024. Mais voilà. Mais j’aime bien aussi changer un peu de format, sortir des singles, des EP, des maxis…
Les titres de ton album sont pour la plupart en français ou avec des connotations latines. Alors que la musique électronique est surtout instrumentale, comment le nom va guider l’écoute ?
J’ai choisi de mêler des titres en français et un peu latinisants. Je voulais mettre en avant un truc assez féministe, un truc assez sorcière, tu vois, on a beaucoup parlé de sorcières à cette époque. C’est un album qui est beaucoup autour de l’éco-anxiété et de l’écoféminisme et de la sororité, toutes ces thématiques là qui sont très importantes pour moi. Je me suis rendue compte assez rapidement, en sortant des titres de musique, que les titres en français sont beaucoup plus impactants pour les Français que des titres en anglais qui sont impactants pour personne parce qu’on ne les retient pas. C’est facile de sortir des titres en anglais. Je trouve que l’impact du sens est beaucoup moins fort. Donc j’avais envie que cet album raconte quelque chose. Le côté latin, c’est pour donner un côté un peu mystique, formule magique, sorcière, toutes ces thématiques là.
De quelle arrives-tu à dégager tes valeurs à travers les titres ?
En effet, principalement à travers le titre, mais aussi la pochette. Il y a pas mal de sons de l’album qui sont sortis en single et qui avaient des pochettes propres avant, ou j’ai trouvé moi même, tous les designs, à part la photo de la pochette qui a été faite par une photographe. Mais sinon globalement c’est des photos que j’ai retouchées moi même. En effet, dans une musique sans paroles, instrumentale, on n’a pas beaucoup de choix. Il y a le clip aussi qui est un très doux format pour raconter des histoires. Donc on a fait le clip de Cryptodance avec une équipe qui est aussi autour de ces thématiques-là. Je vous invite à aller le voir sur YouTube ! Donc c’est un peu tout ce qu’il y a à côté de la musique qui permet de faire exister et de donner une direction artistique et une esthétique particulière à de la musique qui de prime abord, aurait l’air de ne pas avoir d’esthétique.
Trouves tu que les artistes féminines sont mieux représentées sur la scène électro-techno ? De quelle manière devrions-nous évoluer ?
Je pense que pour une meilleure représentativité, il faudrait tout simplement plus de booking, se rapprocher encore davantage de la parité. On a progressé jusqu’à 2022 et ça stagne maintenant, on redescend un peu depuis depuis quelques années, donc c’est dommage, mais en même temps je sais que tout le monde fait comme il peut, c’est pas forcément évident. En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’il y a assez d’artistes talentueuses et féminines pour arriver aux 50 %. Donc ce n’est pas une question qu’il n’y a pas assez de femmes artistes. C’est la responsabilité des programmateurs, des organisations, des subventionneurs, des producteurs de spectacle de continuer dans cette direction là. Et plus on verra de femmes sur scène, plus des femmes dans le public se diront qu’elles sont tout à fait légitimes et capables de faire ce que font les artistes qu’elles sont en train de voir et que c’est pas du tout une question de genre. C’est vraiment une question d’habitude. C’est un problème qui est sociétal, comme dans toutes les couches de la société. Donc il faut qu’on continue d’avancer. Mais c’est vrai qu’on a fait beaucoup de progrès, ça c’est vraiment cool.