Peu avant l’ouverture des portes d’une journée au Primavera Sound, nous avons pu rencontrer Cavetown. En plein milieu d’une tournée européenne qui passe par plusieurs de nos salles françaises, dont le Transbordeur de Lyon, le jeune chanteur anglais revient sur son parcours, ses dates, mais aussi ses titres et sa sensibilité.
À quelques minutes de jouer au Primavera Sound de Madrid, comment te sens tu ?
Je suis très content. Nous avons joué à Barcelone, il y a quelques jours, c’était génial. Oui, c’est amusant d’être dans un grand festival et de voir les autres artistes qui répètent et jouent à côté de nous.
Primavera Sound a cette ambiance similaire à Coachella, avec un même festival qui se répète dans deux lieux différents. Pour toi, s’agit-il d’une date similaire ?
Je pense que oui. Le site est différent mais semble être de taille similaire, les scènes aussi. Après, difficile à dire avant d’avoir joué.
Tu as également pas mal tourné en France, notamment il y a quelques semaines au Transbordeur. Que retiens-tu de ce concert ?
C’était génial. Le public était tellement adorable et souriant. C’est un peu comme ça que se passent tous les concerts de Cavetown. C’est vraiment agréable, où que je sois dans le monde, je suis toujours accueilli avec une grande chaleur et c’est vraiment, vraiment agréable et spécial.
En parlant de tes titres, tu as sorti il y a peu une chanson appelée « Glacier Meadow » et dis dans plusieurs médias que c’était le moment parfait pour la sortir. Pourquoi cela ?
Je l’ai écrite avec mon ami Kevin il y a quelques années, lorsque nous tournions ensemble en 2019. J’ai l’impression que nous avions un peu oublié cette chanson. En fait, nous nous en sommes rappelés cette année, et nous nous sommes dit qu’il était intéressant d’en faire quelque chose. Le timing était parfait, juste pour la saison des festivals. Vu qu’elle était écrite, il ne restait qu’à faire la production.
Ton dernier album s’appelle « Worm Food », et tu le vois comme un album écrit pour toi-même. Quel était le projet derrière ?
J’aime voir chacun de mes albums comme un journal de bord pour la partie concrète de ma vie dans laquelle je suis. Mes albums abordent tout ce avec quoi j’ai lutté, comme des peurs ou du stress. Il en va de même pour « Worm Food ». C’est un bon exercice de stress, de frustrations, entre autres choses. Je trouve même amusant de regarder mes anciens albums et de réécouter les chansons, les textes que j’écrivais, des choses qui étaient très importantes pour moi, qui me provoquaient beaucoup de stress. Aujourd’hui, je me dis que ce ne sont même plus des problèmes importants. C’est assez cool de se rappeler que la vie change, en bon comme en mauvais.
Tes albums, en fait, sont un peu des thérapies pour toi.
Oui, c’est la musique en général, vraiment. C’est comme ça que je vois les choses.
Penses-tu que ces textes, très personnels, peuvent finalement aider d’autres personnes ? Comment interprètes-tu la réception de tes titres par ton public ?
Ce n’est pas quelque chose auquel je pense avant la sortie de mes titres, et avant de voir mon public réagir. Je ne suis pas trop le genre de personne à être en ligne, à voir les commentaires. Je publie mes titres et je continue ma vie. Forcément, quand je découvre que j’ai touché quelqu’un avec ma musique, ou que j’ai aidé quelqu’un à se sentir moins seul, c’est vraiment surprenant pour moi, surtout que j’ai souvent l’impression d’être seul à ressentir ces sentiments. Et le fait que le public partager partager avec moi ces émotions m’aide en retour. Ce genre de relation est vraiment positive.
En clair, tu écris tes titres et tu ajoutes la musique ensuite ? Ou ça va dépendre ?
Cela dépend vraiment de ce qui vient en premier. Je laisse les choses venir à moi d’abord et ensuite je fais des riffs. Parfois, j’ai juste une phrase ou une ligne que j’aime vraiment, et ensuite je cherche à écrire autour d’elle. Parfois, je trouve une séquence d’accords que j’aime vraiment. Je la gratte pendant un moment et je la fredonne. En général, les mots sonnent bien, comme s’ils devaient être là dans ma tête. Parfois je ne sais même pas ce qu’ils signifient. Plus tard, je me rends compte que j’ai écrit la métaphore après coup. Tout dépend vraiment, mais en général, ça commence avec les paroles.
Tu as créé un projet, « This is Home », afin de collecter de l’argent pour les personnes LGBTQ+ et les aider, notamment sur la question de leur logement. Comment est né ce projet ?
Depuis que j’ai commencé à faire des tournées, j’ai toujours essayé de trouver un moyen de collecter des fonds, que ce soit en vendant des produits dérivés ou des billets. C’est quelque chose de logique, je me sens responsable de mon public, et la plupart d’entre eux font partie de la communauté LGBTQ+. Je veux qu’ils voient que je me soucie d’eux, et pas seulement dans les chansons, aussi dans les actes. Au fur et à mesure que ma fondation s’est développée, j’ai appris qu’il fallait que mes actions caritatives suivent le même chemin. C’est donc de là qu’est venue l’idée de ce projet. J’espère que nous pourrons travailler en étroite collaboration avec les organisations caritatives qui nous tiennent à cœur et organiser des événements plus importants pour récolter de l’argent et faire une réelle différence. Nous avons fait notre premier concert de charité à New York, qui est vraiment génial, et nous avons récolté plus de 3 000 dollars, ce qui est assez incroyable. J’espère vraiment le refaire l’année prochaine, encore plus grand, avec par exemple un livestream.
Tu as également écrit la chanson « Boys Will Be Boys », qui parle de la vulnérabilité des jeunes garçons, des masques qu’ils essaient de porter pour s’éloigner d’une féminité potentielle. Quel était le projet d’une chanson de ce type ?
Cette chanson parle essentiellement de quelque chose que j’ai vécu en grandissant et en m’installant dans mon identité sexuelle. J’ai ressenti le besoin de surcompenser ma féminité en étant vrai connard. C’est quelque chose que beaucoup de garçons ressentent. Mais je pense que je me sentais comme beaucoup de personnes transgenres, surtout parce qu’ils ressentent le besoin de se rattraper. C’est ce qui m’est arrivé entre 14 et 16 ans. J’essayais vraiment d’être comme les autres garçons, d’être perçu comme un homme dans mon attitude. C’est quelque chose qui arrive souvent, j’ai l’impression à cet âge : les garçons cherchent à ne pas montrer leur vulnérabilité, mais en grandissant, ils évoluent.
La chanson date de 2019, de nos jours trouves-tu que la question de l’identité de genre, et sa manière d’être acceptée dans la société, a évolué ?
Oui, je pense que oui. Tout le monde est connecté et a accès à ces informations. Beaucoup de personnes pensent encore que la transidentité est un choix, et beaucoup de personnes ont du mal à s’installer dans leur personnalité, notamment au moment de l’adolescence. Ils sont encore en train de se chercher de plein de manières différentes. Mais j’ai l’impression que la génération actuelle d’enfants est beaucoup plus intelligente en termes d’acceptation. On dirait presque que c’est facile pour les enfants de comprendre toutes ces questions, contrairement à beaucoup d’adultes qui ont vécu toute leur vie en étant un peu fermés à ce genre de choses, lorsque le sujet était tabou. Mais qu’en est-il des jeunes qui grandissent en ligne ? Ils sont exposés à toutes ces identités différentes et à toutes ces façons de vivre. On voit des vidéos de personnes qui font leur coming out auprès de leurs jeunes frères et sœurs, des frères et sœurs qui disent juste « d’accord ». Les gens sont beaucoup plus exposés à la thématique, et d’après moi, c’est une force.