Avant l’ouverture des portes de Solidays, les équipes s’animent et s’apprêtent à accueillir près de 100 000 personnes à la journée. Pour assurer la réussite d’un tel événement, un travail est nécessaire à l’année. Marina, responsable presse et influence, nous en dit plus sur l’événement organisé par Solidarité Sida, et sur son rôle à l’année.
Peux-tu nous parler en quelques mots de ton métier ?
J’accueille à peu près 200 journalistes par jour et une trentaine de créateurs et créatrices de contenus. Les journalistes sont des médias avec lesquels j’ai l’habitude de travailler et avec qui on construit un projet éditorial. L’objectif est de parler de sens et de bien en parler. Quand on parle de prévention et de santé sexuelle, il faut bien le faire pour ne pas véhiculer des stéréotypes et ne pas donner des faux messages qui peuvent tromper. Cela pourrait avoir des conséquences directes sur les personnes qui auraient accès à une information erronée. Donc mon rôle, c’est d’amener la bonne information et d’aider à bien la transmettre. C’est également de trouver des angles éditoriaux pour parler du festival.
Un exemple d’angle éditorial que tu peux essayer d’amener ?
Par exemple, le saut à l’élastique proposé à Solidays est un projet de l’association Une Idée en l’Air. L’activité est proposée gratuitement aux festivaliers tandis que l’association fait de la collecte de dons pour une autre association. Je vais également parler du village des associations, des restaurants, je vais trouver un média pour parler des bons restaurants qu’on sélectionne avec un label précis. Je vais imaginer plein de sujets pour plein de médias différents, proposer des angles éditoriaux et accompagner à leur réalisation, que ce soit pour les journalistes ou pour les créateurs et créatrices de contenu.
Comment prépares-tu la relation avec les médias pour leur venue ?
Je passe beaucoup de temps dans l’année à les rencontrer, à les choisir afin de travailler avec des gens qui nous ressemblent, qui défendent nos valeurs. Sur l’événement, je les accompagne pour faire de belles prises de vues ou pour interviewer des personnes, nos bénévoles ou nos associations. C’est eux qui nous aident à faire rayonner le festival et à montrer l’ambiance. Les festivaliers sont aussi des consommateurs de ces nouveaux médias et nous aident à montrer aussi la fête, l’ambiance, au-delà du sens aussi qui est hyper important.
Qu’est-ce qui t’a fait rejoindre Solidarité Sida ?
J’ai toujours été très engagée avant de travailler dans la musique. J’ai toujours été une militante dans diverses associations. Et il se trouve qu’un jour, un ami m’a parlé de sa séropositivité. Il m’a expliqué que c’est grâce à des associations comme Solidarité Sida que des gens comme lui aujourd’hui sont en vie. Et en fait, ça m’a tellement bouleversée, ça m’a tellement touchée ! C’est un ami très proche et je ne savais rien de tout ça. Il fallait que je m’engage, que j’aille plus loin. Et c’est pour ça que j’ai accepté de rejoindre les équipes de Solidarité Sida il y a cinq ans et demi. Et donc j’ai découvert Solidays par la même occasion.
Quelle est la différence entre Solidays et Solidarité Sida ?
Parfois, les gens font l’amalgame entre Solidays et Solidarité Sida. Solidays est un événement de Solidarité Sida, c’est son principal événement de récolte de fonds. On récolte chaque année entre 1 et 2 millions d’euros grâce à Solidays pour Solidarité Sida. Ça représente à peu près 70 % des ressources de l’association. Mais on fait plein de choses à côté, dont un gala où l’n invite plein de partenaires, mais aussi des artistes pour faire de la récolte de fonds, on vend également des rubans rouges. On a également des partenaires publics, des partenaires privés qui nous accompagnent et qui nous financent.
À quoi servent les fonds récoltés ?
Grâce à ces fonds récoltés, on finance 84 programmes d’aide aux malades en France et à l’international. On a par exemple un programme d’aide aux malades en Inde. C’est un dispensaire qui accompagne et qui fait de la prévention avec des travailleuses du sexe. On a Action Santé au Togo qui, dans un territoire où plus de 70 % de la population gagne moins de 2 € par jour, va faire de la prévention. Il y a également une association qui s’appelle L’Arbre Fromager à Cayenne qui propose du lait maternisé pour les mamans séropositives. On a aussi tout un tas d’actions en France, dont une association qui s’appelle Un toit pour une maman, pour les mamans isolées et séropositives. En dehors de ça, on fait des actions de prévention auprès des lycéens, donc on fait des tournées, des « Après-midi du Zapping » dans beaucoup de lycées français pour parler de façon positive de la sexualité, du plaisir, du désir, de l’amour mais aussi du genre, du consentement, des de la pluralité, des identités sexuelles. C’est des sujets très actuels et je pense qu’il y a besoin de faire beaucoup de prévention. Ça fait partie des actions qu’on peut mener à l’année en dehors de Solidays, qui est évidemment un de nos gros coup de projecteur sur ces thématiques.
De quelle manière la communication de Solidays et Solidarité Sida se fait le relais de ces actions sur le festival ?
Nous avons plusieurs actions que nous appelons les “Dispositifs Sens”. Il y a plusieurs endroits dans le festival où on peut avoir accès en fait à ces infos, notamment au moyen d’une très belle exposition qui fait 300 mètres carrés sous tente, qui est unique à Solidarité Sida et à Solidays qui s’appelle Sex in the City. Ça parle de sexualité positive, de plaisir, de désir, d’organe bien sûr, de santé également. Elle est animée par des bénévoles en prévention de l’association. Il y a le village des associations où là il n’y a pas que notre association, dans le but de donner envie aux jeunes de s’engager, pas forcément seulement pour notre cause puisqu’il y a plein de causes. Bien sûr, il y a également le Social Club. C’est un forum où on fait venir des personnalités, des militants ou des personnalités inspirantes ou des philosophes qui ont des choses à raconter. Et aussi avant la plupart des concerts, on fait monter sur scène soit des partenaires avec qui on travaille à l’année, soit nous mêmes pour parler de nos actions devant tous les festivaliers. Et parfois il y a plus de des dizaines et des dizaines et des dizaines de milliers de festivaliers à qui on s’adresse.
On dit souvent que Solidays, c’est un festival pas comme les autres…
Solidays, ce n’est clairement pas qu’un festival. Entre deux concerts, on peut aller au village des associations, assister à la cérémonie contre l’oubli où l’on égrène des noms de personnes qui sont décédées du VIH en leur mémoire et on déplie le patchwork des noms. C’est une tradition pour les personnes qui sont décédées du VIH dans les années 80-90. Les personnes récupéraient des bouts de tissus on en faisaient des tentures pour leur rendre hommage parce qu’il n’est pas toujours possible de se rendre à leur enterrement, parce que les familles ne voulaient pas forcément en parler. Et moi, ce qui me touche toujours, c’est que j’ai énormément de personnes dans mon entourage qui viennent à Solidays ou des bénévoles qui me disent qu’ils ne regardent même pas la programmation. C’est à dire qu’il n’y a pas besoin d’une belle programmation pour qu’on vienne, parce qu’il y a tellement un esprit, une bulle, quelque chose qui bouge (et je fais beaucoup de festivals) qu’on ne retrouve vraiment nulle part ailleurs. Et ça fait qu’on revient chaque année. Magali, la chef d’équipe bénévole de l’espace, me disait que cette année, c’était sa 20ᵉ édition de Solidays. Elle vient du Canada exprès, et moi, ça me bouleverse.
Est ce que toi tu as un souvenir, un moment particulier qui a marqué sur une des éditions de Solidays ?
Il y en a tellement, il y en a tellement. Il s’est passé beaucoup de choses sur la César Circus. Il s’est passé beaucoup de choses sur la scène Bagatelle où j’ai dû prendre la parole une fois devant 25 000 personnes. Les chapiteaux Dôme et Domino tard la nuit, à danser avec les bénévoles et les collègues. En fait, il se passe tellement de choses. Il n’y a que des beaux souvenirs. Il y a des fous rires parce qu’on travaille beaucoup, il se passe beaucoup de choses où il y a beaucoup d’émotions. On parle avec des militants, il y a des gens séropositifs qui nous remercient. Les festivaliers qui sont super heureux quand on les raccompagne vers leur sortie, ils sont tout joyeux. Pour anecdote, il y a la grande scène Paris qui peut accueillir je crois, peut être 60 000 personnes. On avait fermé l’espace parce que la nuit, on vide l’espace. Une festivalière me dit qu’elle a perdu son téléphone là bas, elle me montre une pelouse qui est très très grande. Et bien, j’ai retrouvé le téléphone à 500 mètres dans l’herbe. Elle a pu rentrer chez elle et moi, ça m’a touchée. Elle était tellement heureuse. Sinon, je pense que les rencontres avec les militants qui viennent du Togo, du Cameroun, c’est toujours hyper touchant. Des artistes aussi en reviennent pas et qui se prennent une claque. Et puis les shows à Solidays, il y a une électricité dans le public qui est qui est juste folle !
Beaucoup d’artistes reviennent souvent. Se sentent-ils engagés par les valeurs du festival ?
Il y en a beaucoup. Je vais commencer par Shaka Ponk qui vient très souvent à Solidays qui est très fidèle à l’événement, qui ont même été faire des formations VIH-SIDA à Solidarité Sida quand ils ont commencé à venir. Je sais que Louise Attaque aussi sont assez fidèles à notre festival. Il y a une année, il y a longtemps, ils étaient venus, ils avaient juste mis des factures de péage et des choses comme ça. Ils n’avaient même pas demandé à être rémunérés. Il y a Matthieu Chédid aussi qui vient très souvent, qui est très fidèle, MC Solaar, Yael Naim… Il y en a beaucoup qui reviennent. Et là, récemment encore, Sam Smith a demandé à venir à Solidays. J’ai pu parler avec son régisseur pour un autre sujet. Ils avaient le choix entre Glastonbury et Solidays. Il est venu à Solidays et ça nous fait chaud au cœur. Je pense qu’on a un modèle unique. Je ne connais pas de modèle similaire ni en France, ni en Europe et même pas à l’international. En tout cas pas comme ça.