Rechercher Menu

Crystal Murray : « Écrire mes sentiments, c’est ce que je sais faire de mieux »

Le Super Moustache Festival voit le jour

Un Cabaret plus Vert que jamais

Sombre Clair

Sous une pluie battante, Crystal Murray monte sur la scène Zanzibar, principale scène du Cabaret Vert. Tout juste arrivée de Londres, l’artiste cache sa fatigue pour dompter un public énergique et motivé malgré la pluie qui s’abat sur Charleville-Mézières. Avant son concert, nous avons pu la rencontrer et échanger avec.

Comment te sens-tu aujourd’hui au Cabaret Vert, après être arrivée tout juste de Londres ?

Je suis vraiment ravie. Nous avons commencé les festivals d’été en juin et juillet, puis j’ai pris une bonne pause pour travailler sur beaucoup de musique. Maintenant, je reprends la tournée pour la fin août. Il ne me reste que quelques dates, donc je suis très contente et excitée.

Comment s’est passée cette première partie de la tournée des festivals ? Est-ce que cette pause créative t’a permis de faire évoluer ton live ?

Oui, absolument. Nous avons fait une superbe date à We Love Green, et nous sommes aussi allés en Espagne. Ensuite, j’ai emmené mon guitariste à Los Angeles pour deux semaines de travail musical. C’est toujours intéressant de revenir à un live déjà basé sur le dernier album. Ça nous permet d’ajouter de petits détails et de faire évoluer le spectacle, en créant une nouvelle connexion artistique. C’est toujours enrichissant de continuer à créer.

Crystal Murray @ Cabaret Vert 2024 – ©️ Lila Azeu
À l’origine, tu es parisienne, maintenant installée à Londres, et tu parles aussi de Los Angeles. Comment ton déménagement à Londres influence-t-il ta musique ?

Je suis quelqu’un qui a toujours soif de surprises. J’ai ce besoin constant de chercher la nouveauté, que ce soit dans ma sonorité, ma manière de penser ou d’être. J’ai donc décidé de quitter Paris. J’ai choisi Londres pour sa proximité, mais aussi pour l’ouverture musicale que je ne trouvais pas vraiment en France. C’était surtout une expérience nouvelle pour moi. Le voyage est vraiment important dans ma musique, surtout que je chante en anglais et que je cherche une sonorité hybride, difficile à classer. Pour cela, j’ai besoin de beaucoup de recherche et d’expérimentation.

Ta musique est difficile à catégoriser, et j’ai l’impression que de plus en plus d’artistes refusent d’être mis dans des cases. Est-ce que tu dirais qu’il y a quelque chose qui définit la signature musicale de Crystal Murray ?

Beaucoup de gens me disent que ma musique a changé, que j’ai changé. Mais j’ai 22 ans, donc je préfère parler d’évolution plutôt que de changement. Ce qui lie tout, c’est ma voix, c’est moi qui reste la même. J’ai un bagage en jazz et en soul, ma voix vient aussi du gospel. Étant afro-américaine, mon amour pour la musique est quelque chose de mystique, de familial, c’est dans mon sang. J’ai envie d’explorer toutes les sonorités, tout en gardant une identité reconnaissable. Pour moi, cela passe par la voix, les émotions, et ce que je transmets de moi-même.

Cette année, tu as sorti l’album Sad Lovers and Giants. C’est aussi le nom d’un groupe. Ressens-tu une connexion particulière avec ce groupe ?

C’est amusant, car le nom de l’album n’avait initialement rien à voir avec le groupe. Pourtant, j’avais déjà une de leurs chansons dans mon téléphone. Ce n’était pas un hasard si ce nom m’est venu. Je trouve cette expression très belle ; elle me parle des Sad Lovers, un couple, et des Giants, qui représentent pour moi l’ampleur que peut prendre l’amour. C’est une expression qui m’a emmenée dans des univers variés, à la fois féériques, adultes, sexy et tristes. Ce nom était très spécial pour moi. Quant au groupe, je ne les ai jamais rencontrés. Récemment, quelqu’un du groupe a posté une photo de mon vinyle sur Instagram en disant “Look at the name of that”. C’était un peu étrange. Ils semblent plus âgés, donc c’était un post un peu décalé (rires). Maintenant que tu le dis, je devrais peut-être leur répondre, car après tout, j’ai repris leur nom pour mon album. Leur musique correspond bien à mes références actuelles, comme le trip hop, le rock alternatif, le shoegaze et les ballades rock mélancoliques.

Cet album a été écrit suite à une rupture. La musique a-t-elle pour toi un effet thérapeutique ?

Pour être honnête, c’est ce que je sais faire de mieux. Écrire mes sentiments et bien chanter quand je raconte des histoires vraies, personnelles. Cet album a été un moyen de me libérer de beaucoup de choses que j’avais en moi et de mieux les comprendre. Il est basé sur la dualité des émotions, sur la manière dont on peut écrire quand on est le plus vulnérable. J’ai voulu écrire de manière épurée, pour exprimer cette vulnérabilité en montrant des émotions qui peuvent parfois se contredire, sans que cela paraisse incohérent. Avec le temps, j’ai réalisé que beaucoup de gens, dans des moments difficiles comme une rupture ou une perte, peuvent ressentir de l’amour, de la rage, de la tristesse, et même une forme de guérison simultanément. J’ai voulu écrire sur ces émotions complexes, sur des choses qu’on ne nous apprend pas toujours à ressentir.

Crystal Murray @ Cabaret Vert 2024 – ©️ Lila Azeu
Cet album est très engagé, avec des titres comme Starmaniak qui abordent le harcèlement des femmes. Comment la musique peut-elle contribuer à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ?

Les artistes ont une voix puissante pour influencer la nouvelle génération. Pour moi, il est essentiel d’avoir des valeurs et de les exprimer, plutôt que de les cacher sous prétexte de ne pas vouloir être politiquement engagé. Je trouve ça inutile, car quand on a une voix, on doit l’utiliser pleinement. On me dit engagée, mais pour moi, c’est simplement être authentique. Quand je compose des chansons comme Starmaniak ou Payback, elles viennent d’une rage enfouie en moi pendant longtemps. J’ai envie de l’exprimer pour que les gens en prennent conscience et se connectent avec moi. En 2024, ne pas être politiquement engagé est déjà une forme d’engagement. Ne pas se positionner, c’est en soi une prise de position.

À lire également