Comment se passe cette tournée pour toi ?
C’est vraiment génial. Je tourne avec un groupe extraordinaire, des musiciens et des techniciens super forts. J’ai beaucoup de chance. Il peut y avoir des hauts et des bas notamment avec la fatigue, mais de manière générale, c’est vraiment génial. On arrive à évoluer même si on a le même show, on le joue de mieux en mieux, on embarque encore plus les gens avec nous.
Étant accompagné de tant de monde sur scène, comment tu arrives à préparer ce spectacle ?
Je pourrais dire que ce show, précisément, a dû me demander six mois de préparation. En même temps, c’est un spectacle que je perfectionne depuis dix ans, qui évolue au fil des années. Tu n’arrives pas au résultat que nous présentons ce soir d’un coup, il faudrait être un génie ! On a commencé petit à petit, avec un premier orchestre, puis on a développé des techniques de déplacements, de micros, de détails… Et c’est toujours un peu frustrant car au moment où on le joue, j’ai déjà d’autres idées et j’ai déjà hâte d’apporter des nouvelles améliorations.
Dans le format Orchestra, tu laisses beaucoup de place à tes musiciens. On a vu cette battle entre des violonistes dans Chauffer dans la Noirceur. C’est possible de laisser place à l’improvisation dans ces formats ?
Il y a un tout petit peu de place à l’improvisation. Le vrai moment d’impro, c’est avec notre violoniste Esther Abrami. À chaque fois, elle fait un solo différent, qui est sur une base que j’ai écrite. Elle le développe chaque soir en fonction de ses envies. Après, il y a très peu d’improvisation car c’est un show qui est écrit sur partition. Il n’y a pas vraiment d’improvisation, plutôt des propositions venant des musiciens. C’est ce qui permet de s’approprier le truc. Il y a aussi plein de solos qui sont créés par eux, toujours sur une base que moi je leur propose. Mais bon, 98% du show est millimétré car c’est un orchestre.
En fait, tout se fait en amont, sauf ce petit moment d’improvisation avec Esther.
Il y a ce moment où elle sait qu’elle fait son solo. C’est quelque chose de très libre, et elle le fait vraiment très bien. C’est une grande violoniste classique. Ce sont tous d’excellents musiciens classiques, mais elle, c’est une musicienne soliste qui a une carrière grandissante dans la musique classique. C’est l’une des solistes les plus prometteuses actuellement. J’adore le fait qu’elle ramène cette influence classique dans ce show. Même si j’adore la musique classique et si on a un orchestre, la musique classique, c’est son métier. De culture juive, elle apporte un côté yiddish, Klezmer et c’est quelque chose que j’adore. Les artistes sur scène avec moi ont chacun leur univers, leur culture, ce que je suis absolument incapable d’amener avec autant de précision. On prendra aussi l’exemple de la percussionniste qui est d’origine japonaise et qui a donné plusieurs solos de taiko, notamment une percussion et une partition différente de celle que moi j’aurais pu faire. On s’enrichit tous les uns les autres
Sachant que le live garde ton nom, Worakls, sens-tu que tu gardes le même rôle lorsque tu es accompagné de l’orchestra ?
Quand j’ai l’orchestre, je suis un peu comme un chef d’orchestre. Quand je suis seul, c’est un peu plus classique dans le sens où c’est un live électro un peu plus habituel. Je recompose les morceaux en live, je les restructure. Dans le format orchestre, je ne peux pas changer la structure des morceaux, car il y a une partition à suivre et qui ne peut pas bouger. Un live solo offre plus de liberté, tu peux sentir la foule, savoir quel morceau passer, dans quel ordre, adapter le set à l’événement. Avec l’orchestra, le show est gravé dans le marbre.
Comment souhaites-tu faire évoluer ta place dans la musique orchestrale ?
Je sens qu’on a de plus en plus une carte à jouer dans la musique orchestrale, à laquelle j’ai envie de m’attaquer de plus en plus. Jusqu’à présent, mon but était d’insérer la musique orchestrale dans la musique électronique, bien le faire pour ne pas trop choquer et que ça reste efficace. Ma démarche dans l’album que je prépare est différente. J’ai envie de proposer une musique orchestrale nouvelle génération, quelque chose de néoclassique qui ne passe pas forcément par la musique à l’image, puisque le gros renouveau de la musique orchestrale, c’est souvent à travers la musique de film. J’ai envie de faire aimer la musique orchestrale à de nouveaux publics. Imagine quelqu’un qui écoute du rap actuellement, ce serait génial qu’il puisse apprécier, pas en lui faisant changer de goûts, juste en faisant quelque chose qui serait tellement actuel que ça lui plairait aussi. C’est un peu présomptueux, mais je vais le faire avec beaucoup de sérieux. Je vais mettre autant de bonne volonté que possible et j’espère que j’y arriverai. J’ai beaucoup progressé depuis l’album Orchestra, sorti en 2019. J’ai l’impression de mieux maîtriser les instruments de l’orchestre.
Tu es très touché par la cause écologique. Comment le combat se présente pour toi ?
Il y a plein de choses à faire. En France, il y a plein d’écolos qui sont très influents. J’ai le privilège de connaître beaucoup de ces gens, d’être leurs amis et qu’ils soient les miens. Je suis en seconde vague derrière ça. À chaque fois qu’ils ont besoin de moi, ils savent me trouver, j’essaie de les aider au mieux que peux souvent, au travers de ma musique. Hugo Clément avait besoin de musique pour ses documentaires, on fait une conférence musicale avec lui et l’association Bon Pote, média qui traite beaucoup des rapports du GIEG notamment, qui a parfois besoin d’informations sur le terrain. On réfléchit à faire des choses pour savoir comment informer les gens. On s’est rendu compte que 60 % de l’empreinte carbone des festivals, c’était le transport des festivaliers.
Effectivement, il y a toujours des artistes qui viennent en jet privé, et c’est un très gros problème. Il y a aussi beaucoup de festivaliers qui font des centaines de kilomètres pour voir leurs artistes préférés et qui font exploser le budget carbone. Il faut faire très attention à ça, pas pour culpabiliser les festivaliers, mais pour les sensibiliser, les informer aussi que l’on vient vers chez eux. L’écologie, c’est avant tout connaître les ordres de grandeur. C’est savoir quand prendre un avion jusqu’à New York, par exemple, ce qui devrait être notre consommation carbone à l’année.
On me demande pourquoi je fais des tournées aux États-Unis. Dans la tournée des Zénith en Europe, j’ai au moins une centaine d’Américains qui sont venus me voir. Bien qu’on se soit déplacés tout le temps en bus, leur venue a fait exploser le budget carbone. Il vaut mieux que ces gens attendent et qu’on aille chez eux. C’est pareil quand j’ai joué à Berlin avec l’orchestre, je ne sais pas combien de Français nous ont dit qu’ils venaient de Paris alors qu’on allait jouer au Zénith de Paris. Si nous on se déplace en bus mais que 1000 personnes qui viennent en avion, ce n’est pas viable.