Dire que le troupe Tryo n’était pas attendu, lors du premier jour du festival O’Tempo, serait une grande erreur. Le groupe, en tête d’affiche, joue devant un festival qui affiche complet pour l’occasion. Nous avons eu la chance de nous entretenir avec Guizmo et Danielito, qui nous parlent de leur aventure au sein du groupe, de leurs valeurs et de cette belle tournée tant attendue.
Vous jouez ce soir au festival O’Tempo. Comment vous sentez vous à quelques heures de monter sur scène ?
Guizmo : Écoute, super contents d’être là avec nos potes de la Rue Ketanou, et ce soir, c’est complet. Toute l’organisation a l’air ravie. Chaque festival et chaque concert est une victoire après la période qu’on a traversé. Arrivés fin août après un été entier de festivals avec quasi aucune annulation, c’est un exploit pour tout le monde et pour la culture.
Vous tournez désormais depuis vingt-sept ans. Si, j’ai bien calculé. Peu de groupes peuvent en dire autant. Trouvez-vous que l’énergie de Tryo a changé au cours des années ?
Danielito : On est meilleurs.
Guizmo : Au niveau des genoux, des coudes ! (rires)
Danielito : Et au niveau du foie (rires). Je pense qu’on canalise mieux notre énergie. Avant, on était dans la vingtaine, on était des chiens fous qui courent partout.
Guizmo : Maintenant, on prend des bâtons et on les ramène. On a toujours autant de plaisir à jouer, à se nourrir des gens et des rencontres. On est conscients de la chance qu’on a de faire ce métier. Beaucoup de gens rêveraient de choses qui pour eux ne sont pas forcément accessibles. On était comme ça quand on avait 20 ans. On voulait aller toucher la musique, la vivre et on a traversé un truc de fou. On est hyper reconnaissants de ça et on essaie de le rendre au mieux sur scène. C’est peut être le plaisir qui fait la longévité de Tryo aujourd’hui.
En mai 2021, vous avez fêté vos 25 ans (+2) de carrière à l’AccorHotels Arena après cinq reports. L’énergie est-elle différente lorsque vous jouez dans une grande salle comme ça, par rapport aux festivals ?
Guizmo : C’est plus particulièrement différent parce que c’est Tryo qui remplit Bercy, c’est notre fête. C’est tous les gens qui nous entourent, qui répondent présent. On a renouvelé peut être la moitié du public qui a revendu sur les cinq reports. Mais il y a sept ou huit mille personnes qui n’ont pas lâché l’affaire. C’était magique. On a dû faire trois Bercy dans notre carrière, ce n’est pas évident. On y allait quand on était gamin voir les artistes qu’on kiffait. Mon premier concert à Bercy, c’était ZZ Top. Pour Daniel, c’était Peter Gabriel. J’ai douze ans, j’y vais avec mon père. Jamais dans ma vie je me serais dit que je un jour j’allais fouler cette scène.
On pense, en comparaison, à des dates comme O’Tempo qui vous offrent la possibilité de jouer devant un public qui ne vient pas spécialement pour un groupe en particulier.
Danielito : Tu penses vraiment qu’ils viennent pour la Rue Kétanou ?
Guizmo : Nan mais tu les as vu les mecs ?
Danielito : La Rue Kétanou, nan mais t’es sérieux ?
Guizmo : Sans déconner. (Rires)
Vu que vous êtes un groupe qui défend quelque chose de plus que la musique, notamment dans vos valeurs, qu’est ce que ces dates comme O’Tempo permettent d’apporter ou de transmettre ?
Guizmo : Qu’en général c’est génial de conquérir des gens.
Danielito : C’est génial de diversifier le public, d’aller à la rencontre des gens qui ne sont pas forcément acquis à ton propos, qui te comprennent ou qui vont tout accepter de toi. On a un public qui s’attend pas forcément à te voir, qui vient par curiosité et qui peut être captivé ou pas. C’est vachement intéressant.
Pour parler de vos valeurs, vous avez une chanson qui s’appelle « Féministe ». On peut interpréter le féminisme de différentes manières. Quand on a un groupe masculin qui défend le féminisme, comment l’interprétation se fait ?
Guizmo : On a des femmes dans notre tribu, ce qu’on n’a pas eu pendant des années. Aujourd’hui, c’est Amandine qui s’occupe de la tribu, qui gère tout le plateau. Une nana peut tout aussi bien mettre des mecs à l’amende et les faire bosser comme il faut. Un des exemples, c’est de mettre la femme en présence dans ce milieu très macho de la musique et surtout derrière, dans le milieu des techniciens de régie.
Danielito : Il faut avoir un regard bienveillant et être attentif. Parce que le machisme ou la misogynie, c’est des choses qui sont ancrées dans l’éducation, dans la vie, dans les blagues ou dans l’humour, parfois même chez les enfants.
Guizmo : Les femmes sont en combat, parce qu’elles en ont chié pendant des siècles et des siècles, regarde aujourd’hui avec les Afghanes. On a encore des pas à franchir ça, le Moyen Âge qui est pas loin. Nous, on a encore beaucoup de retard et en même temps, il y a notre masculinité qui est à défendre. Nous, on a toujours été dans le respect des femmes et à chercher à savoir quand s’arrêter si la blague déborde. On a nos différences entre hommes et femmes. C’est ce qui fait la beauté d’un couple, la différence. On ne pourrait pas vivre sans elles, alors qu’elles pourraient vivre sans nous.
L’actualité actuelle influe dans votre musique ? Surtout une actualité qui va aussi vite…
Guizmo : Evidemment, on est pères de famille, on est là, on est politisé. Chacun à notre manière, on est dans l’associatif, des combattants, même si on le fait à notre façon en musique. Je me souviens de gens qui, à l’époque, ne nous demandaient pourquoi on a pas écrit sur la Tchétchénie. Non, c’est pas l’idée, c’est plus de la sensibilité. On voit à chaque album comment cette valeur est une époque, une période. Dans nos valeurs, on est Monsieur tout le monde. À notre façon, on a envie d’exister, de défendre des valeurs. On a un micro et de la musique, on est gâté pour le faire.