Mercredi 8 octobre 2025, Paris aura vibré au son de Starsailor, dans l’intimité du Trabendo (Paris 19ᵉ) où il y a peu encore, nous (re)découvrions Kadebostany. Formé au tournant des années 2000, le quatuor britannique – James Walsh, James Stelfox, Ben Byrne et Barry Westhead – n’a jamais vraiment disparu du paysage rock alternatif : depuis Love Is Here jusqu’à Where the Wild Things Grow, ils ont signé des hymnes comme Alcoholic, Four to the Floor, Good Souls. En guide de célébration de leurs vingt‑cinq ans de carrière, ce concert promettait d’être une communion entre nostalgie et audace musicale.
Dès les premières notes d’Alcoholic, la salle s’est réveillée doucement : la voix de James Walsh avait cette texture éraillée que beaucoup aiment retrouver, et les premières mesures du piano et des guitares ont fait frissonner la petite salle où les publics sont toujours extrêmement impliqués dans le show. Avec Poor Misguided Fool, l’atmosphère s’est allégée : quelques sourires dans la foule, des mains qui se lèvent en repiquant le refrain, l’osmose s’installe progressivement.
Lorsque In the Crossfire est venu avec ses arpèges graves et la tension latente dans les harmonies, la salle s’est tendue, suspendue aux silences et relances du groupe. Le titre suivant, Where the Wild Things Grow, a offert un moment presque introspectif qui peut faire penser de loin à un mélange entre Oasis et Pink Floyd, toujours accessible à toutes les générations. Le public semblait retenir son souffle, attentif au moindre accent, au moindre retour de batterie.
À l’arrivée de Way to Fall, la mélancolie a repris ses droits : une lumière tamisée, des visages fermés, cette sensation vibrante d’être témoin d’un morceau fragile. Puis Fever est venue comme une respiration nouvelle, plus enlevée, presque dansante — quelques personnes se mettent à bouger, en cadence, doucement. Avec Best of Me, l’émotion monte : ce titre a souvent cette part d’intimité qui transperce, et ce soir ce fut le cas. Lullaby ensuite : une caresse sonore, presque suspendue, les applaudissements timides entre les lignes.
Puis vint Heavyweight, qui a imposé sa gravité musicale, l’énergie s’est recentrée, le son plus dense, plus direct. Neon Sky a injecté une teinte plus lumineuse, des réverbérations éthérées, donnant un instant d’irréalité à l’ensemble. Avec Jealous Guy, le groupe s’est aventuré dans les reprises : l’hommage était rendu avec sobriété, le public a accueilli ce passage avec respect, quelques « oh » à l’unisson. L’enchaînement vers Born Again a ramené une énergie plus organique, presque primale dans son exécution.
L’émotion est montée d’un cran quand est arrivé Keep Us Together : un morceau fédérateur, où la salle chantait les refrains, les voix parfois plus puissantes que les micros, instaurant une communion pure. Puis Tie Up My Hands, déjà un classique, a provoqué un frémissement collectif : l’audience entière reprenait la ligne de chant, avec ce petit tremblement dans la voix que seul le live authentique peut générer.
Tell Me It’s Not Over a prolongé cette tension : le morceau s’étire, se joue des silences, les musiciens échangent des regards complices avant de relancer la machine. Avec Silence Is Easy, on atteint l’un des pics de la soirée : le refrain, ici, diaphragme et cordes vocales partagées. Une vibration collective — les applaudissements ont jailli à peine le dernier mot terminé.
Puis, moment attendu : Love Is Here. Hymne originel, morceau fondateur, il a été accueilli comme un retour aux sources. Le public a chanté chaque mot, les guitares se sont faites caresses, la batterie légère, la magie intacte. Et alors est venu le clou du spectacle : Four to the Floor. La joie pure. Un tempo imparable, une énergie galvanisante. Le public a rebondi, tapé des mains, scandé, la fosse battait au rythme du morceau. C’était la libération orchestrée, ce moment où l’on se sent enfin uni, dans la musique.
Enfin Good Souls a clos le show avec une douceur contrastée à la puissance qui précédait : une belle sortie, dans la lumière orangée, le chant presque murmurant vers la fin, jusqu’à ce que le silence reprenne ses droits, remplacé par une ovation qui ne voulait pas s’éteindre.
Tout au long du concert, les musiciens semblaient à la fois concentrés et heureux — un sourire furtif lors d’un accent bien posé, une communion d’yeux entre eux à chaque transition. Le public, respectueux et participatif, a accompagné le groupe du début à la fin. Ce soir-là, le Trabendo a vibré, certes, mais aussi rayonné d’émotion partagée — et quand Four to the Floor a fait exploser la salle, on a compris qu’on venait d’assister à plus qu’un concert : à une ode au temps qui passe, mais aussi à ce qui reste indemne — la musique, le lien, le moment.
