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Marguerite Thiam : “Je ne me suis jamais sentie autant à ma place que sur scène”.

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Sombre Clair

Sous la pluie, Marguerite Thiam affronte la scène Korner de Musilac, devant un public grandissant au fil du live. Les pieds dans la boue, ils applaudissent l’artiste qui, quelques jours auparavant, se produisait à Solidays. Rencontre avec Marguerite Thiam, en sortie de scène.

Tu es sur une fin de saison de festivals avec pas mal de dates en France. Comment ça s’est passée ?

Je me sens nostalgique, c’était trop bien, j’aurais voulu continuer. On reprend en septembre, en vrai c’est un mois de pause. En même temps, ça fait quand même du bien. C’est vrai qu’on m’a vendu Musilac comme un endroit ensoleillé, là il pleut, c’est un peu frustrant. Mais bon, j’ai pu me baigner tout à l’heure, je suis trop contente d’être là. Je suis trop contente de terminer sur Musilac. Triste, mais heureuse. Paradoxal.

Marguerite Thiam @ Musilac 2024 – ©️ Rémy Crey @remystigris
Tu as sorti ton EP en décembre et tu as fait cette grosse tournée. Comment vis-tu cet engouement ? 

Je pense qu’au-delà de l’engouement, je suis très très bien accompagnée. J’ai un tourneur, Corida, qui est exceptionnel, avec qui j’ai une vraie relation intime. On a vraiment voulu prendre la stratégie de faire du live avant tout. On est dans une génération où le live passe parfois au second plan, mais on a voulu le mettre en premier. C’est pour ça que c’était important pour nous de faire des concerts. Peut être que le live a reçu une forme d’engouement, mais on est qu’au début, on est qu’au début.

Tu as joué à Rock en Seine en 2023, tu sens que tout a changé depuis ?

Je ne pourrais même pas regarder de vidéos de Rock en Seine, je serai tellement gênée. Tout a changé en fait, ma façon d’être sur scène, la façon dont je suis à l’aise. Avant, je me cachais, je chuchotais, je me cachais derrière plein de trucs. Je n’osais pas. Et puis après, j’ai rencontré Feu ! Chatterton avec qui j’ai fait Brisées et qui m’ont fait crier dans le morceau. Et ça, ça a été un step énorme alors c’était que du studio en réalité. Mais ça m’a fait voir la scène différemment. Et maintenant j’ai envie de chanter vraiment, de bouger, de crier, de kiffer quoi.

À Rock en Seine, Billie Eilish a joué l’an dernier accompagnée de son frère, comme c’est le cas pour toi. C’est l’amour ou le talent qui t’a poussée à travailler avec ton frère ?

Tu sais, j’ai de l’amour pour beaucoup de gens de ma famille mais qui n’ont pas forcément de talent (rires). Mais mon frère, c’est les deux. S’il n’y avait pas l’amour et qu’il avait du talent, je ne le ferais pas. Mon frère a été la personne qui m’a fait découvrir ce que ça pouvait être le talent. Littéralement. C’est pas pour le saucer, il va kiffer que je dise ça, mais je trouve très brillant et surtout très à l’écoute. Je le connais par cœur, c’est mon frère, on a un an et demi d’écart mais en plus de tout, évidemment, il y a l’amour. Et l’amour fait qu’on peut tout traverser. Parfois, c’est difficile, on se dispute, on est frère et soeur, tu peux imaginer, mais ça nous porte. Et par exemple, sur Musilac, une date qui était un peu difficile pour moi, au début où il n’y avait pas beaucoup de monde, la pluie et tout. Si je suis pas avec mon frère, je ne le vis pas de la même façon. Là, il y a mon frère, je me dis que c’est un souvenir en plus.

Marguerite Thiam @ Musilac 2024 – ©️ Rémy Crey @remystigris
À 14 ans, tu as quitté le monde du sport pour te concentrer sur la musique. Qu’est-ce qui a créé ce changement ?

Le sport c’était ma vie. J’étais en sport études, je faisais que ça du tennis, du tennis et j’aimais ça, vraiment. Après, mes parents, se sont séparés. Quand tes parents se séparent, tu as deux appartements, tu changes de quartier, de vie. La question s’est posée. Moi, j’aurais voulu continuer le tennis. Il s’avère qu’il n’y avait pas de sport études dans le quartier où j’étais, etc. Et au final, quand même, je ne voyais pas faire ça toute ma vie. J’aurais pas été assez forte pour être professionnelle, je n’étais pas encore à ce niveau là. Et en même temps du coup j’aurais fini, je sais pas, prof de tennis ou quoi. Je sais que ça m’aurait frustrée. J’aimais trop le tennis pour pas être pro, mais j’avais pas le niveau. Avant la musique, il y a eu le cinéma, l’art en général. En vrai, l’école, ça m’a tellement saoulé que j’ai essayé, de regarder tellement de films. C’est ça qui m’a fait sécher les cours pour regarder des films. Et puis après la musique puisque mon frère l’a amenée à la maison.

Et justement, tu viens aussi du monde du cinéma, un monde plutôt derrière la caméra. Le regard que les gens ont sur toi avec tes débuts sur scène ?

De base, j’avais trop peur de monter sur scène alors que j’ai été actrice. Donc j’avais vécu ça, mais déjà ça m’avait traumatisée d’être actrice. Je pouvais pas me regarder. Alors que là, par exemple, je peux regarder des vidéos de concert, ce qui est paradoxal. Mais sur scène, tu racontes tes trucs à toi, quand tu joues dans un film on t’habille, t’es mal habillé.e, on te coupe les cheveux, moi on rase la tête, on fait des trucs, c’est n’importe quoi, je ne me sens pas moi. Donc du coup forcément je suis mal à l’aise. Sur scène, je raconte ma vie, petit à petit je me développe aussi en tant que chanteuse. Je ne me suis jamais sentie autant à ma place.

Retrouves-tu ce côté sport, dans ta gestion de la tournée ?

Malheureusement, c’est ça qui est dramatique, c’est que j’étais vraiment très sportive. Ça m’a tellement blasé d’arrêter le tennis, ça m’a tellement mis un coup, comme si une danseuse avait la jambe cassée, comme si elle ne pouvait plus danser. Ça te met un coup. Je me suis un peu détachée du sport, même si je fais toujours du tennis de temps en temps. Pour l’instant, la musique, on ne l’aborde pas du tout de façon sportive, et c’est très frustrant parce que je me sens essoufflée. On fait un peu n’importe quoi, je vais pas mentir, on y va très familial. Mais du coup, on a la tournée de la rentrée et là ça va être un autre rythme. J’ai envie de reprendre le sport, d’avoir un truc plus sérieux et à la fois pas trop pour ne pas perdre le naturel qu’il y a sur scène. Là je suis un peu à la ramasse en terme de santé.

Marguerite Thiam @ Musilac ©TBianchin
Et concernant DEUXIÈME BOUTEILLE, la musicalité marque avec les violons. Quel type d’émotions, en dehors des paroles, cherches-tu à transmettre grâce à la musique ? 

C’est ça qui est compliqué car nous, on part vraiment du texte de base. Avant d’avoir n’importe quelle sonorité, on se demande ce qu’on va raconter. Du coup, notre sujet c’est le texte. Du coup, il y a une question concernant les émotions. Imagine, tu pars en Angleterre, ils ne parlent pas français, quelles émotions vont-ils ressentir ? C’est encore un point d’interrogation que j’ai. DEUXIÈME BOUTEILLE, si tu comprends pas les paroles, est ce que tu peux le ressentir ? Est ce que tu peux être ému.e ? C’est pour ça que dans les prochains morceaux qui vont sortir, on part sur quelque chose de plus organique, moins électronique, tout en gardant un aspect dansant. On cherche à avoir de vrais instruments tout le temps. Sur COMME LES GRANDS, il y a beaucoup d’ordinateurs et j’ai envie de transmettre autre chose. J’ai envie d’aller plus loin et de sortir de moi aussi, de mon récit et de partager plus.

Ton EP est très éclectique, tout comme ton live qui commence très rap. Quand on crée une signature musicale, est-on vraiment obligé de suivre un genre ?

Tu sais, dans la vie, tu rencontres quelqu’un et il te demande ce que tu fais comme musique. Je ne sais pas quoi répondre et c’est horrible ! Je pourrais dire électro mais c’est pas ça, rap, c’est pas ça, variété, c’est pas ça non plus. Du coup, tu te retrouves enfermé dans un genre et les gens sont un peu réticents. Imaginons qu’ils n’aiment pas la variété, ils ne vont pas s’intéresser au projet. Avec mon frère, on a grandi avec Amel Bent, Usher, Michael Jackson et Serge Gainsbourg. Nos influences sont tellement éclectiques, c’est ce qu’on a voulu retranscrire dans le projet, à notre manière en tout cas, et c’est ce qu’on développe encore plus dans le prochain projet. Je pense qu’il faut arrêter un peu ce truc constant de mettre les artistes dans des cases. Ça les enferme, et ça enferme le public par la même occasion. 

Que peux-tu nous dire de ton prochain projet ?

COMME LES GRANDS est un EP qui parle beaucoup de moi et de mon enfance. Dans mon prochain EP, je parle vraiment que des autres, globalement. Je me mets à la place des autres et je raconte l’histoire des autres. Musicalement, on est sur quelque chose de plus organique. On est quand même électro, on reste dans l’électro mais on a des vrais violons, on a des vrais instruments. Avant, on était qu’avec Twinsmatic, donc on a la même texture. Je travaille maintenant avec des nouvelles personnes, dont Feu ! Chatterton qui font vraiment l’entièreté du truc, mais aussi des jeunes, dont Abel31, Rosaline du 38, Louis Marguier, je les cite car ils sont très très forts. 

Marguerite Thiam @ Musilac ©TBianchin
Sens-tu que tu fais partie de cette nouvelle scène française, composée d’artistes comme Aloïse Sauvage ou Kalika notamment ? Beaucoup revendiquent ne pas appartenir à un courant musical précis.

Pas toute la scène musicale actuelle, évidemment je ne connais pas tout le monde, mais je pense à des artistes actuels, jeunes, je parle principalement de Liv Oddman, je veux le citer parce qu’il faut écouter son projet. Pour moi, c’est du génie, je comprendrais pas qu’il marche pas. Eloi qui joue ce soir. Donc oui, absolument, je trouve qu’il y a une rébellion aussi dans notre génération, on avait pas avant et c’est pas super pertinent.

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