Sombre Clair

Au cours d’une journée très rap au Cabaret Vert, Lucie Antunes et son groupe arrivent avec toute leur énergie et leur positivité contagieuse. Quelques heures après ce show mémorable tiré en grande partie de l’album Carnaval, Lucie nous rencontre et échange sur la conception de son show, mais aussi sur sa carrière.

Comment s’est passée cette date au Cabaret Vert pour toi ?

La date s’est très bien passée pour nous. C’est une programmation un peu particulière, car il y a beaucoup de rap, donc je pense que le public était en mode découverte. Mais pour nous, c’était super. C’était un très bon moment et, pour l’instant, tout se passe plutôt bien.

La programmation est rap, éclectique, mais tu as aussi joué dans des lieux très variés, comme la Philharmonie de Paris. Comment adaptes-tu tes shows en fonction du public ?

Pour le coup, le lieu n’influence pas ma manière de jouer. Je fais le même concert partout. J’ai l’impression que ce sont plutôt les gens en face qui s’adaptent. Notre concert est très accessible, je pense, car il est généreux. Cela parle à beaucoup de gens, c’est très intemporel. On n’a pas besoin de s’adapter, en tout cas, je ne le fais pas.

Lucie Antunes @ Cabaret Vert – © VINCEVDH
Tu as aussi joué au MaMA Festival en 2021, où tu as proposé un magnifique show son et lumière. Quel souvenir gardes-tu de cette expérience ? Cette date a-t-elle apporté un changement dans ta carrière ?

Je pense que ce projet a évolué petit à petit, avec un engouement progressif. C’est une façon saine d’évoluer. On n’a pas eu de buzz, et je pense que ça n’arrivera pas, car notre musique ne s’y prête pas. Il y a eu un vrai amour qui s’est développé avec le temps, chaque jour un peu plus. Cela permet une évolution saine, sans se laisser emporter. Sinon, je pense que je pourrais perdre pied. Le MaMA, c’était incroyable parce qu’on jouait à la Cigale, avec peu de temps de balances, et on a collaboré avec le collectif Scale pour la première fois. On était trois sur scène avec une nouvelle scénographie. Ces lumières, principalement des stroboscopes, créaient une expérience unique où l’on avait l’impression que ses yeux s’ouvraient et se fermaient constamment. C’était un vrai défi, et le public a réagi de manière incroyable. On entendait la sécurité dire qu’il fallait ouvrir les balcons parce que les gens arrivaient en nombre, bien que l’on nous ait prévenus qu’il n’y aurait peut-être pas grand monde. Les gens se passaient le mot par texto et venaient au fur et à mesure. Pour moi, ce fut un moment mémorable, presque comme si j’étais Prince. Je n’ai jamais eu d’autres dates comme celle-là. D’autres moments forts, oui, mais pas à ce point-là. Ce soir-là, les planètes étaient alignées. Jusqu’au dernier moment, on ne savait pas si la scénographie allait fonctionner, mais elle a parfaitement marché.

Sur scène, vous proposez quelque chose de différent pour chaque titre. Comment ce show a-t-il été pensé ?

Je choisis les interprètes qui sont sur scène avec moi. Il me faut des musiciens polyvalents, sans trop d’ego pour pouvoir tourner ensemble, mais en même temps charismatiques pour bien incarner la musique. C’est un vrai challenge, car cela prend du temps de trouver les bonnes personnes, mais j’aime beaucoup cette partie de mon métier. Une fois que les bons musiciens sont trouvés, il y a beaucoup de travail de mise en scène. J’observe les personnes pour identifier leurs capacités et leurs points forts, que je mets ensuite en avant. J’adore faire cela, et cela demande beaucoup de semaines de résidence. Par exemple, sur scène, il y a Lara, une artiste géniale qui danse le waacking. Quand j’ai découvert cela, je lui ai proposé de danser sur certains morceaux, et nous avons mis cet aspect en avant parce que c’était impressionnant.

Lucie Antunes @ Cabaret Vert – © VINCEVDH
Il y a aussi une forte thématique d’inclusivité qui se dégage de votre performance, que ce soit dans la relation entre vous sur scène ou avec le public. Comment cet univers inclusif a-t-il été conçu, notamment pour une musique principalement instrumentale ?

Encore une fois, tout commence par le casting. Les personnes que je choisis incarnent cette inclusivité. Je travaille avec des gens que j’apprécie dans la vie de tous les jours, qui véhiculent une image forte. Je les choisis aussi pour leur charisme et ce qu’ils représentent. Dans ce cas, ce sont des personnes qui se définissent comme non-binaires et évoluent dans un univers très queer. Pour moi, c’est important que l’on partage les mêmes opinions politiques. En fin de compte, je travaille avec des gens que j’aime, donc je les sélectionne en fonction de ce que j’apprécie chez eux et de ce qui peut être mis en valeur sur scène. Par exemple, une de mes grandes inspirations est le live de Peaches, qui met en avant uniquement des personnes queer sur scène.

Lucie Antunes @ Cabaret Vert – © VINCEVDH
Ton deuxième album s’appelle Carnaval, et tu l’as réédité. Le carnaval est un symbole de fête, de musique et de liberté. Comment cet album a-t-il été conçu ?

Tout a commencé à partir de rien. J’ai eu le COVID une semaine avant de commencer, et je n’arrivais pas à écrire un album. Alors, je suis partie m’isoler à La Rochelle, dans une maison de trois étages face à l’océan, qu’on m’a prêtée. J’ai utilisé une méthode inspirée de Marina Abramović, où chaque étage avait une fonction : en bas la cuisine, au milieu l’espace de travail face à l’océan, et en haut la chambre. Cette configuration m’a beaucoup aidée, car je pense que la création est liée à l’endroit où l’on se trouve. Je suis partie sans rien, après avoir traversé cette maladie pénible que nous avons tous eue. Les idées sont venues spontanément, je ne peux pas vraiment l’expliquer. J’avais envie de célébrer, de transmettre du positif, comme beaucoup de gens après cette période. C’est ainsi que j’ai imaginé ce Carnaval, cette fête. J’avais mon synthé, que j’adore, ma voix et l’océan en face de moi. Je me suis demandé : “Qu’est-ce que je peux dire en ce moment ?” C’est à ce moment-là que It’s Amazing est né. Je ne voulais pas utiliser ma voix habituelle, alors j’ai enregistré des voix Google. J’ai créé cet album de manière très intuitive et presque chamanique, je pense.

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