Eurockéennes, Rock en Seine, Musilac, Vieilles Charrues… Beaucoup de festivals proposent ou ont proposé une journée spéciale en l’honneur d’un artiste ou d’un groupe. Pourquoi ce concept assez commun en France marche t-il autant depuis plusieurs années ?
Historiquement, la plupart des festivals créés entre 2000 et 2010 ont commencé avec une programmation de deux jours, étendue progressivement sur trois jours. Les années 2010 ont vu la naissance d’un quatrième jour, économiquement plus intéressant pour les organisateurs : si les structures sont déjà mises en place, elles coûtent moins cher au festival, et c’est un jour de ventes potentielles en plus.
Pendant longtemps, les Vieilles Charrues faisaient partie des seuls à proposer une journée spécifique pour un artiste, généralement le jeudi. Le premier jeudi spécial pour un artiste vit le jour en 2006 pour une journée spéciale Johnny Hallyday, puis Charles Aznavour l’année suivante. Depuis 2009, le concept a perduré sur un grand nombre d’éditions : Ben Harper, Bruce Springsteen, Muse (par deux fois !), Rammstein, Red Hot Chili Peppers (un lundi de 2023). En 2020, Céline Dion aurait du avoir droit à ce jour spécial, mais le COVID, puis la maladie, en ont décidé autrement.

La raison de ce choix est principalement économique : un festival programme un groupe qui coûte logiquement beaucoup plus cher tout en s’assurant de faire un sold-out. Pour preuve, prenons l’exemple de Céline Dion : selon Le Parisien, “les 5000 pass pour la journée écoulés en deux minutes”. D’autres années, cette journée n’a pas été mise en place : si un festival peut s’assurer de faire complet avec le même budget tout en programmant plus d’artistes, pourquoi s’en priver ?
Le concept s’est rapidement exporté à d’autres festivals français. Musilac, en Savoie, a connu la même histoire avec Muse dans le cadre d’un “bonus day” un lundi de juillet 2015. Le résultat est sans appel : la journée fut rapidement complète.

Depuis 2020, Rock en Seine propose un concept similaire avec une journée, généralement le mercredi, dédiée à un.e artiste en particulier. Rage Against The Machine aurait du faire office d’artiste de renom, mais, comme pour Céline Dion aux Charrues, le Covid est passé par là. En 2023, Billie Eilish offrait le sold-out du mercredi au festival et en 2024, l’exploit a été répété avec Lana del Rey et le sera sûrement avec Chappell Roan. Du côté des Eurockéennes, Iron Maiden sera la tête d’affiche exclusive d’un jeudi 100 % métal en 2025.

Le concept, bien que rentable, a de quoi faire grincer des dents. Les Eurockéennes, en 2024, faisaient de David Guetta la tête d’affiche exclusive d’une journée spéciale. Pourtant, l’artiste a joué dans un grand nombre de festivals français sans pour autant faire l’objet d’une journée dédiée. Qui plus est, le festival a su organiser des éditions prestigieuses sans user du concept : imaginons l’année 2006 sur la presqu’île du Malsaucy avec Daft Punk, Depeche Modes, The Strokes, Muse, Arctic Monkeys… Et aucune journée mettant en valeur un artiste par rapport aux autres. Bien évidemment, le contexte n’était pas le même, les cachets artistiques n’avaient rien à voir avec ceux d’aujourd’hui.
La génération actuelle des festivals voir également naitre une nouvelle concurrence, celle des stades. En 2025 au Stade de France et rien qu’entre juillet et août, sont programmés Imagine Dragons, Linkin Park et Stray Kids. À titre d’exemple, le concert de Linkin Park affiche complet quelques jours après l’ouverture des ventes avec des prix allant de 56,50 € à 150 €… soit de une à trois fois le prix d’une journée en festival. Les “bonus day” sont aussi une manière de pallier à cette nouvelle concurrence en proposant des artistes de renom dans des lieux pouvant accueillir des dizaines de milliers de personnes (les Vieilles Charrues peuvent recevoir chaque jour la capacité du Stade de France), tout en permettant, les jours suivants, de se réunir devant une programmation éclectique et audacieuse.