Quelques minutes avant son spectacle au festival Woodstower, nous avons pu rencontre Joachim Pastor. Évitant la pluie de justesse, l’artiste nous présente un peu plus concrètement son oeuvre, son processus de création, mais aussi son engagement en matière d’écologie.
Dix ans de carrière, deux albums, des dizaines de titres, tu es très installé dans le paysage musical, avec des formats toujours très différents aujourd’hui, aujourd’hui tu joues à Woodstower. Comment te sens-tu ?
Je me sens humide parce qu’il a plu tout à l’heure (rires). Mais sinon, tu sors. Franchement, je suis chaud, d’aller voir la scène. Je ne suis pas allé la voir. Je me sens bien.
Ta musique a cette capacité à faire voyager le public en écoute ou en live. Quelle est ta recette pour transmettre cette invitation au voyage ?
Je n’ai pas forcément de recette. Je pense que quand on essaie de faire un truc dans une certaine optique, quand tu essaies de te calibrer pour quelque chose, ça ne marche jamais. J’essaie juste de faire de la musique qui me plaît. Des fois ça marche, des fois ça ne marche pas. J’essaie de ne pas trop penser au résultat. Je ne fais pas les choses dans un but commercial, on va dire pour que ça plaise ou pas, il faut d’abord que ça me plaise. Après, on verra. Mais oui, oui, je sais, il y a toujours de la mélodie. Pour moi, il faut que les tracks aient une âme. J’aime bien quand ça tape, Il n’y a pas trop de mélodie, mais il faut quand même qu’il y ait une âme. C’est comme ça que les tracks seront plus intemporelles comme tu les écoutes dix ans plus tard, c’est grâce à la mélodie.
Malgré toute cette carrière, tu n’as sorti que deux albums. Qu’est-ce qui t’a poussé à proposer ce format ?
Tout simplement le fait que tu peux sortir plus de musique d’un coup. C’est souvent long de sortir un single, tu en sors deux ou trois par an. Avec un album, tu peux vraiment faire un gros truc. Là, quand j’ai fait l’album pour le documentaire WRC, c’était complètement différent, mais c’était super de pouvoir proposer quelque chose de différent. Il y a 15 tracks, c’est homogène. Je suis en train de bosser sur un nouvel album. C’est un peu plus techno mais c’est très homogène.
Même à l’ère du streaming, penses-tu que l’on peut toujours raconter une histoire qui se suit entre les morceaux ?
J’espère, mais c’est vrai qu’avant, quand tu achetais un CD, tu l’achetais parce que tu connaissais l’artiste, tu avais entendu un ou deux titres mais tu ne connaissais pas forcément le reste de l’album. Tu découvrais le reste, et tu n’avais que ça à te mettre sous la dent, sauf si tu avais une bibliothèque de 4000 CD. Tu étais obligé d’écouter un album, tu l’écoutais plein de fois jusqu’à ce que tu finisses par aimer les tracks, tu te les appropriais. Maintenant, c’est très éphémère. Les gens zappent, mais moi je fais pareil ! Ils choisissent ce qu’ils aiment ou non. Tu écoutes les titres que tu aimes, et tu ne reviens jamais sur ceux qui ne t’ont pas marqué. La manière d’écouter de la musique a changé. C’est beaucoup plus jetable maintenant. C’est pour ça que c’est important d’essayer de faire des choses intemporelles. Si tu écoutes mon titre Millenium qui est sorti en 2016. Je pense qu’un mec qui le trouve aujourd’hui, il aura le même impact que le mec qu’il est en 2016 car ce n’est pas un truc à la mode, donc ça ne peut pas être démodé.
Tu as un album appelé Greater Message. En tant qu’artiste, est-ce que tu as des messages à faire passer ?
Pas vraiment. Pour moi, la musique, c’est la musique. J’aime pas trop les gens qui se servent de ce vecteur, même moi par certains côtés je suis politisé, enfin plutôt nihiliste. Mais je n’aime pas trop le fait de faire passer un message, qu’il soit politique ou sociétal, par la musique. On dit toujours que la musique, c’est le seul truc qui traverse les frontières, les langues et tout. À partir du moment où tu fais de la musique une espèce de truc politique, social ou sociétal, pour moi, tu diminues la musique. Après, chacun fait ce qu’il veut, tout le monde ne sera pas d’accord.
Tu sors régulièrement des titres. Quel est ton processus de sortie et de création ?
Ça dépend, des fois c’est long, des fois c’est pas long, Il n’y a pas de logique. Des fois, t’as des tracks qui sortent un an après des fautes en a qui sont deux mois après toi. Il y a toujours un temps de latence en ce moment où tu finis ton titre et le moment où la machine se met en route, c’est toujours long, mais il n’y a pas de recette.
Forsaken Memories évoque le souvenir que l’on laisse aller, et ce dès le nom même du morceau. Quel était son projet ?
J’avais trouvé que c’était cool de l’appeler Forsaken Memories, comme des un peu, des des souvenirs, des rêves abandonnés. Implicitement, ce sont des rêves, des regrets. Ensuite, c’est la toplineuse qui a fait les paroles qu’on a trouvé super. Je trouvais qu’il y avait un côté Tracy Chapman sur une partie du vocal, ça m’a bien plu.
Tu t’es associé à Cartouche pour la voix. Comment s’est faite cette rencontre ?
En fait, tout simplement au sein du label tu as une partie publishing donc les éditeurs et en gros c’est eux qui doivent se débrouiller pour mélanger les ingrédients entre les différentes qui font la musique. On a envoyé le track à plusieurs personnes pour poser dessus, et c’est avec Cartouche que ça a matché, tout simplement. Je dis tout simplement, mais c’est jamais simple hein !
Tu n’intègres que très peu de voix dans tes titres, bien qu’il y ait Forsaken Memories et Saint Louis. Collaborer avec un chanteur ou une chanteuse, est-ce quelque chose que tu souhaites faire de nouveau ?
J’ai toujours adoré le vocal, si je pouvais j’en mettrais dans tous mes morceaux, ou presque. Il devrait y avoir de belles collaborations à venir, notamment avec un artiste que les gens attendent depuis assez longtemps, peut-être trois ans. J’ai plein d’idées de collaborations, en voix ou non d’ailleurs, mais il faut que ça se concrétise, c’est souvent ça qui est difficile.
Tu es impacté par l’écologie : penses-tu qu’il est possible d’avoir une belle tournée tout en minimisant son impact carbone ?
Alors déjà j’ai fait un track qui s’appelle Green Washer (rires). En fait, ça dépend de ce qu’on appelle l’écologie. Beaucoup pensent que l’écologie, c’est rouler en électrique, alors que la chaîne de production de ce véhicule consomme 500.000 litres de pétrole à travers le monde, rien que dans la conception de la batterie. Les mecs roulent avec ça en Allemagne, je vois y’a marqué zéro émission sur la voiture, sauf qu’il faut produire l’électricité, que dans le pays il y a surtout des centrales à charbon… En fait, tu pollues plus avec ta bagnole électrique qu’avec une vieille Peugeot 504 diesel. Le problème, d’après moi, c’est que l’écologie est pour beaucoup de décideurs un business model, alors que ces décideurs changent d’iPhone tous les ans, et que tout est fait pour que tu doives changer d’iPhone très régulièrement. Si tu veux vraiment être écolo, il faut acheter local et de saison. D’un autre côté, je pense qu’il faut criminaliser l’obsolescence programmée, on doit garantir vingt ans les produits, les montres, les téléphones, il faut que les voitures puissent faire un million de kilomètres. Là, on pourra vraiment parler d’écologie.
Propos recueillis par Leïla Colleaux et Anthony Kuntz. Merci à eux !