À quelques minutes de monter sur scène lors de la journée d’ouverture du Primavera Sound, nous avons rencontré Jake Bugg. L’artiste de Nottingham célèbre sur scène ses dix ans de carrière, un nouvel album sous le bras. Retour sur un échange passionnant avec un artiste qui n’a pas peur du changement, un amoureux de la scène et de la musique.
Comment te sens-tu à quelques minutes de jouer lors de la journée d’ouverture du Primavera Sound de Madrid ?
Jake : J’ai vraiment hâte de jouer, je suis très heureux. C’est un cadre magnifique, autant autour du stade que dans les coulisses. J’ai vraiment hâte de monter sur scène, j’espère que nous pourrons donner au public quelque chose à apprécier pendant cette journée d’ouverture.
Tu as joué à Barcelone la semaine dernière pour le Primavera Sound. Comme le fait Coachella, le line-up est le même, ici seul le lieu change. As-tu l’impression de vivre deux fois la même expérience ?
Jake : C’est difficile à dire. Au moment où l’on parle, je n’ai pas encore vu la scène ou l’installation. J’ai quand même déjà l’impression que c’est un peu différent. L’Espagne est un pays qui aime la musique et qui sait l’apprécier : je pense que ça va être une grande expérience dans tous les cas.
L’année dernière, tu as fêté tes dix ans de carrière. As-tu des grands souvenirs marquants, en quelques mots ?
Jake : Oh, il y a eu des moments forts, c’est difficile à choisir. Je pense que j’ai adoré monter sur scène, évidemment. Je me souviens d’avoir été la tête d’affiche de l’Other Stage à Glastonbury alors que Metallica jouait sur la Main Stage en même temps. C’était génial, mais frustrant : il n’y avait qu’un seul groupe que je voulais vraiment voir, c’était Metallica. Et, oui, nous avons vécu des expériences formidables, notamment en jouant en Europe, nous avons joué dans de magnifiques salles et festivals. Pour être honnête, j’aurais aimé faire plus de concerts cette année, mais je suis en train de préparer un nouvel album, j’essaie juste de faire quelques concerts entre temps.
Glastonbury est un effectivement moment important dans la carrière d’un artiste. Est-ce la sensation que tu as eue ?
Jake : C’est un énorme festival. Des gens du monde entier viennent dans des endroits comme Glastonbury. Cela donne une grande visibilité, notamment avec la présence des médias et des télévision. C’est vraiment important dans une carrière, je pense que cela a aidé beaucoup d’artistes dans le passé.
Ton dernier album s’intitule « Saturday Night, Sunday Morning ». Quel était le projet derrière ce nouveau concept ?
Jake : J’étais très intéressé par l’idée de reprendre mon ADN musical tout en le mettant en œuvre dans un cadre pop plus moderne. Je suis content de l’album au final, je pense que l’équilibre correspond à ce que je recherchais. Ce fut une expérience formidable qui m’a ouvert les yeux sur la manière dont beaucoup de gens travaillent dans le monde musical. J’aime faire quelque chose de différent pour chaque album, le prochain sera d’ailleurs très différent de celui-ci. C’était pour sûr mon album le plus axé sur la production, c’était une expérience que j’ai beaucoup appréciée.
Avec autant de titres éclectiques, comment créer un live qui fonctionne ?
Jake : À mes débuts, c’était assez difficile : je n’avais sorti que deux albums, et il fallait faire un set qui puisse durer assez longtemps. C’est quelque chose d’assez engageant. Maintenant, près cinq albums, il y a beaucoup plus de choix, ce qui est un autre type de problème. Tu peux cependant t’amuser beaucoup plus et adapter le set à la salle, ce qui est assez intéressant.
Dans l’un de tes titres phare, All I need, tu commences en disant « Call me cynical, but original ». Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
Jake : Je pense que la partie cynique vient probablement de probablement mon cynisme quant la façon dont l’industrie fonctionne, d’une certaine manière. Je trouve assez dommage que certaines personnes se contentent de suivre des tendances, des trends. Pour moi, il est important que chacun reste lui-même. D’après moi, c’est en restant honnête avec nous-mêmes, mais aussi avec le public, en étant vraiment nous-mêmes, que les gens vraiment l’émotion qui se cache dans la musique, dans les chansons. J’encourage tous les artistes à penser de cette manière.
Pour cet album, tu as collaboré avec du beau monde, dont le producteur Andrew Wells. Comment l’as-tu rencontré, et comment se sont passées les productions ?
Jake : Si je me souviens bien, nous nous sommes rencontrés par le biais de ma maison d’éditions. J’étais favorable à l’expérimentation et à la collaboration, c’est quelque chose que je souhaitais. À l’époque, Andrew commençait tout juste à se faire connaître sur la scène, alors que maintenant il enregistre littéralement tout et tout le monde. Je pense que pour lui aussi c’était une sorte d’expérience. Nous avons aimé travailler ensemble, c’est l’une de ces collaborations qui se font très facilement, nous avons pris beaucoup de plaisir.
Pour ce nouvel album, tu as été inspiré notamment par ABBA et les Bee Gens. Comment tu as traduit ça en musique ?
Jake : J’ai toujours été assez critique à l’égard de la musique pop, mais la vérité, c’est que quand la pop est bonne, c’est l’une des meilleures formes de musique. Ces artistes étaient vraiment les maîtres absolus de leur art. J’étais juste curieux de voir s’il y avait d’approcher cette dynamique. Beaucoup de ces chansons pop aussi, c’est ce qui les a rendues si géniales, c’est leur simplicité et leur efficacité. En dehors de toute la production, si l’on garde juste un piano et une guitare, elles sonnent toujours aussi bien. J’ai donc pensé qu’il y avait un moyen de faire en sorte que mes chansons sonnent un peu plus modernes et moins traditionnelles.
Tu parles d’aller encore plus loin dans l’expérimentation avec un nouvel album à venir : que nous réserves-tu ?
Jake : J’aime beaucoup la direction de mon dernier album, comme je l’ai dit, je pense qu’il était assez axé sur la production. Ce sera sûrement intéressant d’avoir à nouveau des chansons pas si traditionnelles, mais peut-être avec une production un peu plus dépouillée. J’aimerais essayer de trouver un équilibre entre le dernier album et le premier.
Parfois les gens attendent quelque chose de l’artiste avant même que l’album ne soit sorti et se disent : » C’est une chanson de Jake Bugg « , par exemple. Lorsque les artistes changent leur direction, comme tu l’as fait, trouves-tu que le public évolue avec ?
Jake : Je suppose que ça change légèrement. Certains fans veulent évidemment que l’artiste continue à faire la chose pour laquelle ils en sont tombés amoureux. Beaucoup de gens veulent quelque chose de plus proche du premier album, mais sincèrement, ce n’est pas quelque chose que l’on peut reproduire. Au lieu d’essayer, je préfère aller de l’avant et essayer quelque chose de différent. Peut être que j’ai perdu quelques fans, probablement que j’en ai gagné d’autres. Je suis un amoureux des chansons, je les écris pour ceux qui ont besoin de les entendre.