Une scène, deux artistes, des roses en guise de décor, et une musique qui transporte. Ces quelques mots pourraient décrire le show d’Irène Drésel, qu’Esprit Festivalier a pu découvrir au Cabaret Vert et à Woodstower. Au détour de ce dernier festival, nous avons rencontré Irène Drésel, accompagnée de Sizo, percussionniste formant ce duo planant.
Vous êtes présents sur un grand nombre de festivals cette année, comment vous sentez-vous ?
Irène : Dans l’ensemble, on est très contents. On enchaîne de très beaux festivals, avec à chaque fois de belles surprises. Au Cabaret Vert, par exemple, il y avait cette scène en plein milieu des bois, c’était magnifique. Parfois, on s’imagine une scène d’une certaine manière, et en arrivant sur place, c’est complètement différent de ce qu’on avait anticipé. Même pour nous, il y a de bonnes surprises.
La scène du Cabaret Vert était assez atypique, la Green Floor était en plein milieu de la forêt, avec des écrans en fond…
Irène : Oui, c’est vrai, et ça aurait pu ne pas coller du tout avec notre univers, mais au contraire, ça fonctionnait vraiment bien. C’était beau, avec ce triangle au centre et le monogramme. Ça rendait super bien.
Sizo : Cette ambiance, avec cette longue allée d’arbres, c’était magnifique ! Comme nous vivons en forêt, on avait presque l’impression de jouer dans notre jardin. C’était vraiment super.
Avec les arbres et les écrans, il y avait un côté presque 360°. Comment avez-vous adapté la scénographie ?
Irène : C’était surtout un défi pour notre vidéaste, qui a dû s’adapter à cet environnement. Elle a dû réajuster tous ses éléments vidéo pour qu’ils s’intègrent dans ce cadre particulier. Donc, oui, il faut travailler avec le lieu et réussir à s’adapter dans un temps limité.
Sizo : Ou alors c’est le lieu qui s’adapte à nous.
Comment avez-vous réussi à créer ce duo qui fonctionne si bien sur scène ?
Sizo : Ça s’est fait assez naturellement. Quand nous avons proposé à Irène de faire un concert, elle a tout de suite voulu qu’on partage cette expérience ensemble.
Irène : On a commencé en 2016, au départ, nous étions trois : Sizo, moi, et une flûtiste à bec. Ça a duré deux ans. Maintenant, on est juste nous deux. Je compose la plupart des morceaux, et Sizo intervient à la fin, en ajoutant ses percussions et son avis. C’est comme ça que ça fonctionne. En live, je joue les morceaux et lui apporte toute la partie percussive, avec des moments d’improvisation. Mais en général, ce qu’il propose fonctionne bien. On s’entend vraiment bien.
Votre scénographie est aussi impressionnante avec toutes ces fleurs. Elle existait avant même la sortie de l’album Rose Fluo cette année ?
Irène : Oui, la scénographie a toujours été là. Lors de notre premier concert en 2016, j’avais eu l’idée d’embellir la scène avec des fleurs. On a fait appel à une styliste florale et utilisé des fleurs naturelles. Progressivement, on a trouvé que c’était beau et unique. Chez nous, il y a des fleurs partout sur les papiers peints, on vit à la campagne. J’aimais l’idée de ramener ces fleurs sur scène. Ce ne sont pas des marguerites ni des pâquerettes, ce sont des fleurs plutôt solennelles, comme des roses. Et nous avons aussi des costumes. L’idée est d’avoir un spectacle visuel assez solennel et esthétique, qui transporte le spectateur dans quelque chose de rêveur, à la fois musicalement et visuellement. Les deux aspects sont importants.
L’album commence fort avec Fluo, mais on y trouve aussi des morceaux plus calmes comme Glam. Qu’est-ce que ce choix apporte à la musique électronique, souvent instrumentale ?
Irène : L’album s’appelle Rose Fluo. Je voulais qu’il soit dynamique. Dès le début, il m’a semblé évident de commencer par le morceau le plus intense. Fluo dure neuf minutes et donne immédiatement le ton.
Sizo : C’est un morceau presque clivant.
Irène : Je me dis souvent que si quelqu’un aime ce morceau, il nous suivra jusqu’au bout. J’aurais pu choisir une intro plus douce, comme c’est souvent le cas, où l’on commence doucement pour monter en intensité. Mais j’ai voulu faire les choses différemment et annoncer la couleur tout de suite, quitte à ce que certaines personnes arrêtent d’écouter. Si tu n’aimes pas Fluo, alors tu n’aimeras probablement pas l’album ni notre univers. C’est l’un de mes titres préférés de l’album. J’adore aussi Thérèse et Glam, parmi d’autres. Mais Fluo est un bon baromètre.
Comment réussissez-vous à créer une histoire dans une musique instrumentale ?
Irène : Les éléments visuels aident beaucoup à raconter des histoires, à travers les clips, par exemple, ou la signification des titres. Chaque morceau a une signification particulière, tout est connecté. Il y a des anecdotes partout. Par exemple, sur l’un des premiers albums, il y a un morceau intitulé Sosie, qui reprend des samples de mon premier morceau Rita. Sosie est aussi le prénom Sizo à l’envers. Donc, il y a des liens un peu partout. C’est comme ça que naît un univers visuel et imaginaire, avec des images. Tout est très visuel.
Sizo : Dès le début, nous avions une vision globale de ce que nous voulions. Irène a longtemps tout géré elle-même : le visuel, le graphisme, les couleurs, les costumes, jusqu’à dessiner les costumes et superviser leur réalisation. On a toujours eu une sorte de contrôle sur notre univers. C’est pour ça qu’il y a cette imagerie forte dans nos morceaux, parce que tout est pensé de manière cohérente.
On dit souvent que les musiques sont de plus en plus courtes, ne dépassant rarement les trois minutes. Pourtant, tous vos titres durent plus longtemps. Comment avez-vous pensé ces créations ?
Irène : Dans la musique techno, les morceaux sont souvent assez longs, autour de sept ou huit minutes. Cela permet de poser une ambiance, de créer un univers. Tout dire en trois minutes, c’est possible, mais je trouve que c’est beau de prendre son temps.
Pour l’artwork, vous avez travaillé avec Ruben Gérard, qui avait déjà créé l’artwork de Hyper Cristal. Était-ce une manière de répondre à l’Irène Drésel de 2019 ?
Irène : Oui, exactement. Ruben a fait la pochette du premier album et celle du troisième. Comme je vois ces trois albums comme un triptyque, c’était une manière de les relier et de clore un cycle. Les trois albums se suivent sans forcément se ressembler, mais forment un ensemble cohérent. J’avais envie de fermer cette boucle. Chaque album a quatorze morceaux, c’est assez symétrique. J’aime quand les choses sont bien organisées.
Dans votre famille, on écoute beaucoup de musique classique. Qu’est-ce qui vous a attirée vers la musique techno ? Quelle place occupe la musique classique pour vous aujourd’hui ?
Irène : Petite, j’étais au conservatoire, et ma famille, surtout du côté de ma mère, écoute beaucoup de musique classique. Mon père préfère les chansons. J’ai donc grandi avec cet héritage. J’ai aussi fait de la danse classique. Ce que j’aime dans la musique classique, c’est l’absence de paroles, et je pense que c’est ce qui me plaît aussi dans la techno : cette capacité à transporter l’auditeur. Ce sont d’autres fréquences, d’autres émotions, mais je pense que les deux peuvent coexister. J’avais même réalisé un podcast pour Tsugi Radio intitulé Musique Classique VS Musique Techno, où je mettais en parallèle des morceaux des deux genres. C’était un exercice intéressant. J’aime ces deux univers, même s’ils semblent opposés.