Festivals français : à la hauteur des festivals voisins ?

Les festivals français terminent de dévoiler leurs programmations artistiques, au même titre que les festivals des pays limitrophes. La France, en 2024, parvient-elle à se hisser au niveau des programmations européennes ?

Quelles sont les têtes d’affiche françaises ?

Cette année encore, un grand nombre de têtes d’affiches internationales viennent fouler les planches des festivals français. Lundi 18 mars 2024, Dua Lipa annonce d’ailleurs qu’elle sera présente au Festival de Nîmes qui se tiendra au mois de juin prochain.

Également, Sam Smith sera présent dans plusieurs rendez-vous français, dont les Vieilles Charrues, Solidays ou encore le Main Square. En parlant du Main Square, nous y retrouverons Bring Me The Horizon, présent notamment à Beauregard, Lenny Kravitz également programmé à Musilac ou aux Eurockéennes et Avril Lavigne, au rendez-vous du Festival de Nîmes. Concernant Sum 41, en tournée d’adieu, nous avons rendez-vous à La Nuit de l’Erdre, à Garorock, aux Eurockéennes ou au Slam Dunk Festival de Lyon.

D’autres têtes d’affiches, telles que David Guetta, Martin Garrix, Sting, The Prodigy, Macklemore, PJ Harvey, se retrouvent également sur les scènes françaises.

Mention spéciale à Rock en Seine et son grand nombre d’exclusivités sur le territoire, notamment avec Lana del Rey, Fred Again.., LCD Soundsystem ou encore Massive Attack.

En France, beaucoup de ces têtes d’affiche sont présentes dans plusieurs festivals : Sam Smith, David Guetta et Lenny Kravitz sont au rendez-vous de trois festivals, Sting sera aux Charrues et aux Francofolies. Rares sont les exclusivités cette année, mais nous pouvons compter sur Dua Lipa aux Arènes de Nîmes, tandis que Swedish House Mafia et Calvin Harris ne passeront qu’à Garorock. Kings of Leon, quant à eux, ne se produiront qu’aux Vieilles Charrues dans le cadre d’un concert exclusif le 14 juillet. Pour finir, Royal Blood ne fera qu’un festival, les Eurockéennes, mais sera présent dans différentes salles dont l’Olympia. Le Hellfest compte sur un grand nombre d’exclusivités françaises, dont Metallica et Foo Fighters.

Certains artistes comme Ed Sheeran, Pulp ou The National sont en tournée en Europe : à jour, aucun festival n’est prévu en France pour eux.

Le cas des festivals européens

Si la France compte quelques gros festivals internationaux comme Rock en Seine ou le Hellfest, la plupart des festivals éclectiques français ne cherchent pas à cumuler autant de têtes d’affiche internationales que d’autres festivals de pays voisins. Ces derniers proposent généralement un savant mélange entre une programmation française et internationale.

Mettons-nous quelques instants à la place d’une personne vivant en Espagne. Si elle s’intéresse au monde des festivals à l’international, elle verra probablement en premier lieu les rendez-vous français adaptés à un public international : Rock en Seine, Hellfest, Lollapalooza, potentiellement les Vieilles Charrues. De la même manière, notre vision de l’Espagne se focalise principalement sur le Primavera Sound, le Mad Cool, à la limite le BBK (programmation ci-dessous) ou le Sónar. Nous ne voyons pas, dans un premier temps, les festivals espagnols a envergure régionale ou nationale, à taille et configuration similaire à La Nuit de l’Erdre ou à Musilac, avec un pourcentage de têtes d’affiche espagnoles que nous ne connaissons pas, et qui attirera principalement un public du pays.

Si on se demande si la France est à la hauteur des festivals européens, il est intéressant de se questionner sur la dimension de la réflexion. Comparons-nous des festivals comme Rock en Seine et le Primavera Sound ? Ou les Vieilles Charrues avec le Sziget ? La France, chaque année, propose des événements à dimensions tout à fait différentes, et ne cherchent pas tous à attirer le même public.

Et si nous comparions ?

Il est intéressant de regarder le prix total d’un festival, mais aussi de diviser son prix par sa durée (certains festivals durant trois jours, d’autres quatre, voire plus), et enfin de voir quelles sont les têtes d’affiches concernées par ces festivals. Nous remarquons assez rapidement que le prix du festival évolue en fonction du nombre de têtes d’affiche internationales et que la France n’a rien à envier à ses concurrents européens.

Suivant cette logique, les Vieilles Charrues n’ont pas de têtes d’affiche aussi exclusives que le Primavera Sound, mais son prix est bien moins élevé.

Autre thématique à prendre en compte : bien que les coûts engendrés pour l’organisation d’un festival soient similaires dans chaque pays (cachets des artistes, prestataires techniques et logistiques, électricité…), les réglementations en matière d’impôts, de charges, voire de possibilité de sponsoring diffèrent, ce qui a une incidence sur le prix de l’événement, mais aussi sur la qualité de la programmation. Tous les événements ne peuvent pas s’offrir les mêmes artistes, évidemment, sachant d’autant plus que certains cachets avoisinent le million d’euros (voire plus) et que l’inflation est passée par-là.

Enfin, l’année 2024 est marquée par les Jeux Olympiques en France. Alors que le Lollapalooza de Paris annonce un rendez-vous en 2025, actant l’annulation de cette année, d’autres événements ressentent quelques difficultés à attirer de gros artistes. Certains festivals ont pu être victimes des annonces gouvernementales parfois tardives, tandis que plusieurs artistes auraient pu tout simplement décider de ne pas passer par la France cette année.

La France, en retard sur l’Europe ?

Dire que la France serait en retard sur l’Europe concernant ses programmations artistiques serait une erreur. Bien qu’un grand nombre de festivaliers pourrait penser que « la France fait moins bien », il faut déjà rappeler que, depuis chez nous, nous regardons les gros événements internationaux, à l’image de Glastonbury, du Primavera Sound ou du Sziget, qui sont des événements à dimension internationale au même titre que le Hellfest. Ces rendez-vous ont pour vocation d’attirer un public en grande partie étranger, prêt à voyager, à découvrir le pays et à consommer dans les grandes villes alentour. Pour preuve : les rendez-vous cités se situent souvent près d’une grande ville internationale, dont Barcelone, Budapest et Bruxelles.

Le public international n’est pas forcément la priorité d’un grand nombre de rendez-vous français, préférant attirer un public local, régional voire national. Si beaucoup de français peuvent se déplacer jusqu’aux Vieilles Charrues, aux Eurockéennes ou à Rock en Seine pour profiter des exclusivités artistique, très souvent, il est possible de voir un grand nombre des artistes programmés dans un festival plus proche. Musilac, par exemple, attire un public principalement d’Auvergne-Rhône-Alpes, tandis que La Nuit de l’Erdre concentrera surtout des festivaliers de la région nantaise et de ses alentours.

Qualitativement, de nouveau, les programmations françaises laissent une grande place aux têtes d’affiches françaises ou francophones (Orelsan, Angèle, Clara Luciani, Jain…) et internationales, mais aussi à l’émergence et à des artistes qui pourraient être des têtes d’affiche demain.

De manière générale, la tendance est souvent à la critique facile concernant les programmations. Le phénomène n’est absolument pas français : les commentaires négatifs concernant la programmation de Coachella ne désemplissent pas sur les réseaux sociaux, bien que ce festival soit considéré comme l’un des plus grands du monde. Même son de cloche pour le Sziget de Budapest, et pour beaucoup de rendez-vous français.