Nous vous avons habitués à parler des rendez-vous incontournables de l’été. Et lorsqu’il s’agit d’événements immanquables dans le paysage des festivals français, impossible de ne pas citer l’un des plus mythiques d’Île-de-France : Rock en Seine. La dernière édition s’est tenue du 20 au 24 août 2025, et bien évidemment, l’équipe d’Esprit Festivalier était sur place pour vous faire vivre l’un des ultimes rendez-vous estivaux.
Une ouverture majestueuse et de bonnes claques musicales
Ceux qui y étaient en parlent encore. La tête d’affiche de cette édition, c’était sans aucun doute Chappell Roan, l’américaine tout droit sortie du Missouri rural qui, en deux ans à peine, est passée de la session piano du petit parc de quartier aux plus grandes scènes internationales. Elle attire avec elle un public conquis et inspiré par ses textes lourds de sens, particulièrement au sein de la jeunesse queer.
La foule suit la chanteuse dans chacun de ses morceaux avec une ferveur quasi religieuse. Les moments de communion atteignent leur paroxysme sur ses titres phares, comme Hot To Go! (dont la chorégraphie a été reprise en chœur par l’ensemble du public) ou encore Pink Pony Club, qui a clos son concert de façon magistrale. Entre une scénographie léchée, une présence scénique impressionnante et une qualité musicale impeccable, de la glitter pop la plus brillante à un rock pur et théâtral (notamment avec sa reprise de Barracuda de Heart), tout y était pour que ce show reste dans les annales du festival.

Autre moment très Feniminomenon : la performance de Suki Waterhouse, qui a su envoûter le public dès le jeudi en fin d’après-midi. Elle fut suivie par London Grammar, dont le fameux Wasting My Young Years résonne encore parfaitement dans la mémoire des franciliens.
Dans un registre totalement différent, c’est la prestation de Marc Rebillet qui a également marqué les esprits. “Pussy, Pussy, Pussy, Marijuana, ha-ha !” : voilà ce qui trottait dans toutes les têtes après ce show survolté. Ce Franco-Américain, devenu célèbre sur Internet grâce à ses sets improvisés a électrisé la foule. Entre deux énormes seins gonflables, il a livré un set électro-funk délirant, emportant les festivaliers dans un magnifique chaos controlé.
Le retour du rock sur le devant de la scène
Dans la catégorie “moments qui tournent encore en boucle dans nos têtes”, impossible de ne pas évoquer le concert des Fontaines D.C.. Déjà sold-out lors de leur dernière date parisienne, les Dublinois confirment leur place de favori avec Romance, leur dernier album, unanimement salué par les puristes. Le dimanche, le Parc de Saint-Cloud s’est retrouvé littéralement recouvert de t-shirts à leurs couleurs.
Le show est massif, la présence et le jeu de la voix du leader Grian Chatten enflamme rapidement le public. Les têtes hochent en rythme sur les hymnes du groupe, et la puissante reprise de souffle se fait même entendre jusqu’au tréfonds de la foule lors de Starbuster, titre phare du groupe.

Petite aparté marquante : le groupe a dédié leur titre Favorite à leurs compatriotes irlandais Kneecap, qui, quelques minutes plus tôt, avaient réussi un tour de force en rameutant une foule impressionnante sur l’une des plus petites scènes du festival. Les deux groupes partagent, au-delà de leur nationalité, un engagement humanitaire affirmé : sur scène comme à l’écran, ils ont rappelé leur soutien au peuple palestinien. Une prise de position qui n’est pas sans conséquences : la présence de Kneecap a coûté au festival les 500 000 € de subventions de la Région. Par ailleurs, il s’agit d’une situation qui tend à se répéter sur d’autres festivals et pays, comme le prouve l’interdiction de territoire de Kneecap en Hongrie à l’occasion de leur venue au Sziget ou encore plus récemment la performance coupée des Mary Wallopers au Victorious Festival.
Retour au Parc de Saint-Cloud : on peut lire sur un tee-shirt du merch de Fontaines D.C. “Rock n Roll died in vain”, mais s’il y a une chose que cet été de festivals nous aura appris c’est bien que le rock est de retour sur le devant de la scène et que l’on assiste à un véritable regain d’intérêt du public grâce à cette nouvelle génération d’artistes.
C’est un peu ce que l’on ressent devant le show de Last Train, et là, on vous parle également d’un véritable glow-up. Il y a dix ans, ils faisaient partie des jeunes talents de la petite scène de Rock en Seine, et nous les avions retrouvés au Vyv Festival de Dijon il y a quelques années de cela. Cette année, c’est celle de la consécration. L’énergie du show est folle, les riffs incisifs, et le public en transe. Point culminant : lorsque Jean-Noël Scherrer, guitare à la main, s’élance sur la foule, instrument pointé vers le ciel. L’annonce en plein set de leur premier Zénith parisien en 2026 ne fait que confirmer leur ascension, déjà validée par leur présence au Hellfest (en Main Stage) ainsi qu’au Sziget de cet été.

Momentum nostalgique
Kid Cudi, Empire of the Sun, Stereophonics, London Grammar, Vampire Weekend, Justice… En lisant la line-up, on aurait pu croire à un revival des années 2000-2010, une plongée une décennie plus tôt que nous offre une partie de la programmation.
Empire of the Sun a conquis un public de connaisseurs avec son show pop-mystique, tout en costumes flamboyants, bonsaïs, œuf géant et mystérieuse statue colossale renversée sur scène. Leur univers joyeux et théâtral était un véritable souffle de positivité le samedi après-midi.

Moment un brin cruel : entendre un spectateur s’exclamer devant Vampire Weekend : “Ah mais je crois que ma mère écoutait ça quand elle était jeune !”. Malgré ce coup de vieux infligé, nous avons profité d’un set coloré et entraînant, confirmant un retour réussi. Anecdote : c’est ce même groupe qui avait joué juste avant la mythique rupture de Oasis à Rock en Seine en 2009. L’histoire boucle la boucle : 2025 est bel et bien l’année des come-back efficaces.
Mais les retours ne se sont pas tous parfaits. On attendait Doechii et A$AP Rocky le jeudi, lesquels ont finalement été annulés mais compensés par la venue surprise de Kid Cudi. Les performances de Scott Mescudi étant rares en France, l’attente était immense. Pourtant, le résultat a divisé : entre fausses notes, performance peu rythmée et prompteur trop visible, certains sont restés sur leur faim. Le public a tout de même eu la primeur de découvrir de nouveaux morceaux joués en live la veille de la sortie de son nouvel album Free. Les fans les plus fidèles y ont trouvé leur compte.
Autre petite déception : la prestation de Jorja Smith, intéressante mais sans relief, qui ressemblait davantage à un enchaînement de titres qu’au live minutieux et communicatif que nous attendions.

Un festival qui, de nouveau, tient ses promesses
On pourrait encore parler des heures de la programmation : d’Aurora et son “boner environnementaliste”, de la folie hypnotique de John Maus, de la tendresse musicale de Sylvie Kreusch, des mélodies groovy de Kruangbin, ou encore de Dabeull… il y a tant à raconter.
En définitive, si l’on vient à Rock en Seine, c’est d’abord pour sa line-up, qui cette année encore a tenu presque toutes ses promesses. Mais cantonner le succès de ce festival à sa programmation serait assez inexact. Rock en Seine, c’est aussi une atmosphère singulière. On s’y sent un peu chez soi, entourés de visages qui nous ressemblent, ou qui nous rappellent ce que nous étions quelques années plus tôt. Les genres et les générations s’y croisent, se mêlent, portés par la même envie de lâcher prise et partager une expérience collective. Les espaces du festival, qu’il s’agisse de l’ombre des arbres, des disquaires ou de la scène des découvertes, permettent à chacun de trouver sa place sans jamais se sentir étouffé, même sous la chaleur de l’été parisien
En plus de vingt ans d’existence, Rock en Seine confirme son rôle essentiel dans le paysage culturel et social francilien. Et une chose est sûre : on a déjà hâte de retrouver sa pelouse (et sa poussière) en 2026.