Rechercher Menu

Dionysos : “Le succès, ce n’est pas une fin. C’est le ticket pour la suite.”

Les Ondes S’en Mêlent : le festival associatif et engagé

Terres du Son 2024 : Retour sur une 19ème édition réussie

Sombre Clair

C’est au cours d’une grande tournée passant par de beaux festivals tels que La Nuit de l’Erdre et Musilac que Dionysos viennent fêter leurs trente ans de carrière. Avec une compilation de titres revisités – L’Extraordinarium -, le groupe enflamme les scènes et les coeurs. Nous avons rencontré le groupe lors d’un samedi ensoleillé.

Vous voyez ça comme un rappel du temps qui passe ?

Mathias : Ah, déjà il y en a au moins deux pour moi ! Enfin quatre car j’en fais toujours. Il y a aussi eu la malléole. Donc ça fait cinq. Mais en deux fois. Ah ! Et puis Mike s’est cassé la clavicule.

Mike : Un mois avant la première date, je me suis cassé la clavicule, pour amener ma modeste participation à tout ça. 

Mathias : C’est ça, donc on est quand même à six fractures. Après, on ne va pas compter les claquages et les élongations car sinon on va défier les lois de la mathématique.

Vous voyez ça comme un rappel du temps qui passe ?

Mathias : Non, parce que les claquages, moi j’ai toujours eu un des mollets pas très souples et des cuisses un peu puissantes de footballeur. Et comme je ne suis pas assez souple d’une manière générale, ça tire trop. J’ai beau étirer, je bois pas assez apparemment. Sur un concert, je parle, je n’arrive pas à boire, donc ce n’est pas suffisant. Et même à l’époque de la Mécanique du Coeur, même sur Monster en 2006, je me faisais déjà des claquages. Sauf que là ça empire. On essaie de s’adapter au mieux, mais on fait aussi avec l’âge qui avance.

Dionysos @ La Nuit de L’Erdre – ©️ Mathilde Baës
Comme Dave Grohl, sur cette tournée, tu montes sur scène dans un fauteuil personnalisé, représentatif de ton univers. 

Mathias : J’ai reçu plein de photos de lui, évidemment, dès que j’ai dit que je continuais la tournée sur un siège. Il était pas mal son fauteuil avec des manches de guitare ! De toute façon, Dave Grohl, Nirvana, ça fait partie de notre ADN. J’ai vu Nirvana en concert, et avec Mike, on a vu les Foo Fighters.

Dionysos @ La Nuit de L’Erdre – ©️ Mathilde Baës
Vous avez rencontré beaucoup de monde, beaucoup de producteurs, tout au long de votre carrière. Comment avez-vous choisi avec quelles personnes travailler ?

Mathias : Ça correspond à nos envies et nos périodes de vie, des choses que l’on écoutait à ce moment-là et que ces gens avaient produit. Mais c’est surtout un fantasme car la réalité est toujours tout autre. Tu as de l’humain qui arrive, tu as le studio. Tu prends ce risque et le risque, tu le prends au désir, à l’envie. On a eu la chance de réaliser quelques rêves quand même en allant à San Francisco avec Daniel Presley ou à Chicago avec Steve Albini, mais aussi à Bath avec John Parish qui avait produit Eels ou PJ Harvey, plein d’artistes qu’on adore. Après, on a tous un peu pris la main nous au niveau de la réalisation, mais grâce à Mike qui a su techniquement et artistiquement permettre au groupe de s’impliquer. On a beaucoup réalisé les disques ensemble, même quand on travaille avec des réalisateurs, même avec John Parish ou Albini, avec leur façon de travailler. Notre Haïku est un peu l’exception. On peut dire que c’est vraiment un album réalisé par Dan Presley. En travaillant entre nous, on perdait certes le voyage, le fait d’aller quelque part et de se faire surprendre, mais on gagnait en temps et en équipe chez nous pour faire nos petites cuisines. Sans cette manière de travailler, nous n’aurions pas pu faire notamment la Mécanique du Coeur. C’était absolument impossible de faire une heure de musique avec un orchestre symphonique et dix invités s’il fallait le faire à l’étranger. On ne l’aurait jamais fait. Et c’est grâce au travail de Mike qu’on a pu le faire.

Il vous reste des rêves dans le genre ?

Mathias : Maintenant qu’on a fait beaucoup de choses entre nous, il y a des moments où on se dit que ça pourrait être intéressant de refaire comme avant. Après, le marché du disque n’est plus le même qu’il y a vingt ans, notamment en termes de budget. C’est pourtant de cette manière que nous aimerions peut-être retravailler, en faisant des disques, par exemple avec des personnes comme Steve Albini. Malheureusement ce sera pas lui, mais on aimerait bien l’idée de préparer le terrain de manière à pouvoir lâcher la main sur quelqu’un d’autre. Ou alors, au contraire, encore plus vraiment mixer. Parce que Mike est tout à fait capable de mixer des disques. 

Dionysos @ La Nuit de L’Erdre – ©️ Mathilde Baës
Quel équilibre avez-vous trouvé sur la production de l’Extraordinarium ?

Mathias : J’aime bien cet équilibre. L’Extraordinarium rime raconte pas mal ça finalement. Jeff Delort a été très important. On a tout de même tous réalisé le disque. Chacun a amené des idées, pas seulement des arrangements, mais on a discuté sur plein de choses. En même temps, on retrouve le côté très live de Dionysos, presque comme sur Western sous la Neige et Monsters sur quasiment tout le disque, que ce soit avec les choses plus rock ou les choses plus folk. Ensuite il y a le côté plus arrangé, plus produit, comme les chansons de mes films. C’est un résumé joyeux qui donne envie de possibilités. Moi j’avais eu l’idée de faire deux faces, un peu comme un petit peu un jour et une nuit, une lune et un soleil. Et c’est Mike qui a proposé qu’on en fasse quatre avec vraiment le côté plus rock, le côté plus folk, le côté plus électronisant à notre humble niveau et le côté plus cinématographique. Et en fait ces quatre pistes qui sont qui font partie de l’ADN qui compose l’ADN de Dionysos. À n’importe quel moment on peut décider de continuer sur les quatre ou d’appuyer sur une. En ce moment, dans le concert et dans la tournée, il y a des morceaux qui arrivent et je suis incapable de vous dire ce que le désir de la fin de tournée nous dira pour la suite.

C’est génial comme concept !

Mathias : Oui, c’est bien, c’est bien parce qu’il faut avoir de l’envie, mais il ne faut pas tout verrouiller. Si tu réponds à toutes les questions avant d’avoir fait le chemin, c’est bien de laisser les choses en surprises et de se laisser surprendre aussi.

Dionysos @ La Nuit de L’Erdre – ©️ Mathilde Baës
C’est aussi acquérir des réflexes pour réussir à s’en dissocier.

Mathias : Ben oui, parce qu’après 30 ans. On en parle souvent, mais c’est la question de la zone de confort. Pour certains, ça fait peur d’en sortir, alors qu’essayer d’en sortir, c’est l’augmenter. Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi, on ne va pas ajouter de la samba dans nos morceaux par exemple, on ne sait pas faire. Si tu prends des gens, tu t’aides à mettre ton univers dedans et que toi tu vas te chercher quelque chose que tu sais pas faire mais où t’as quand même un repère et que tu continues de grandir, ta zone de confort s’agrandit. C’est ce qu’on essaie de faire depuis trente ans. On prend des risques, sans faire n’importe quoi. 

Vous avez réfléchi à collaborer avec Orelsan et Angèle.

Mathias : Tout à fait. Au début, on s’est posé la question de savoir avec qui on rêverait de collaborer. On s’est assez rendu compte qu’en fait, quand on n’a pas une histoire avec les gens, tu peux le dire sur le papier comme ça, mais c’est compliqué. En fait, il faut se rencontrer. Donc en fait, on s’est concentré sur les gens qu’on aime artistiquement et avec qui on a une histoire humaine forte. Le vrai anniversaire, c’est ça finalement, c’est un événement où tu invites tes copains, mais pas seulement dans le sens amitié. Il fallait que ça colle artistiquement. On s’est concentré sur des gens qu’on adore humainement et artistiquement et qui avaient envie. Il fallait que ce soit évident. 

Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour vos quarante ans ? 

Mathias : De continuer. On a toujours dit que le succès était le ticket pour la suite. J’ai encore envie d’être en question, j’ai pas envie qu’on me réponde. Donc moi c’est le ticket de la suite, je sais pas où il nous mène ni comment, ni où, ni dans quel véhicule. On ne peut même pas savoir quand. On a tous des vies, des choses différentes et tout, et on doit se retrouver encore une fois, comme pour les gens qu’on invite avec plaisir et désir. Pas parce qu’il faut. Je pense que c’est une des choses qui nous ont permis de tenir sur la distance. Il y a l’amour, la camaraderie et le désir de faire de la musique ensemble. Il y a l’oxygène à l’intérieur du groupe et à l’extérieur. On n’est pas tombé dans ce piège de faire album-tournée-album-tournée-album. Parce qu’il y avait du succès, parce qu’il fallait, parce que machin. Pour nous, c’est très important. 

Dionysos @ La Nuit de L’Erdre – ©️ Mathilde Baës
Il y a également des projets parallèles à côté pour chacun. 

Mathias : Exactement. Ils peuvent être musicaux, comme pour Babet où j’en ai fait un, pour Mike où j’en ai fait un, pour Stéphan aussi.Et puis y a les projets de famille, il y a les enfants, il y a les voyages, il y a les livres pour ma part ou les films qui sont toujours autour de Dionysos quand même. Mais d’avoir eu la possibilité de faire ça, ça permet de changer d’angle de vue et de réactiver le désir d’une autre manière à chaque fois. Donc la seule chose que j’ai envie de dire, c’est que d’une certaine manière que je ne connais pas encore, j’espère que ça va continuer le plus longtemps possible.

À lire également